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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/178

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effervescences ambitieuses de son adolescence politique, renfermait dans son sein nombre d’imaginations exaltées, rêvant, avec l’instauration de Rome capitale, la résurrection du pouvoir mondial de l’ancien empire romain, se trouvait placé, par ces deux provinces, à deux journées de marche de Lyon, l’ancienne capitale de la Gaule romaine !

C’est ainsi qu’au commencement de l’année 1860, s’imposait à l’attention des hommes politiques français la question de la Savoie et de Nice. Or, nous le demandons à tous les esprits de bonne foi, en Italie comme partout ailleurs, un gouvernement français, quel qu’il fût, empire, royauté ou république, comme celui de Napoléon III, en situation d’obtenir une telle rectification de frontières en échange d’immenses services déjà rendus et à rendre encore, pouvait-il, sans devenir coupable de haute trahison envers la France, ne point l’exiger de l’Italie ? Déplaçons pour un moment les termes de la proposition : envisageons-la, non plus au point de vue de la France, mais au point de vue de l’Italie, venant à se trouver placée dans une situation analogue ; admettons pour un instant une hypothèse qui, d’ailleurs, ne présente rien d’impossible dans le développement ultérieur de l’histoire des États européens ; supposons la monarchie austro-hongroise menacée d’être écrasée, asservie par l’un de ses deux puissans voisins, — la Prusse ou la Russie, peu importe, — et sauvée de cet imminent asservissement par l’aide providentielle d’une armée italienne. Quel est le citoyen italien capable de ne pas maudire comme traîtres les hommes d’État de son pays qui, pour prix d’un tel service, n’auraient pas exigé le retour à la patrie italienne du territoire de Trieste ? le retour tout au moins du territoire de Trente, par lequel l’Autriche a son accès libre sur Milan, comme l’Italie, par la Savoie et Nice, avait le libre accès sur Lyon et Marseille ?

Les luttes oratoires du Parlement italien nous offrent d’ailleurs plus d’une preuve de l’existence en Italie d’un ordre d’idées analogues : que de fois il y a été reproché au gouvernement de ce pays de n’avoir pas fait de l’acquisition de Trieste ou tout au moins du Trentin la condition de son accession à la triple alliance ! Et si nous remontons un peu plus loin dans l’histoire parlementaire contemporaine, ne voyons-nous pas l’illustre député Cavallotti se faire l’éloquent défenseur d’un sentiment analogue, pendant la session de 1878 ? Lorsque, étouffant avec un sens politique si élevé les rancunes patriotiques de son âme italienne, cet éminent orateur s’efforçait de faire prévaloir dans la Chambre des députés l’idée d’une entente avec l’Autriche, quel était le but vers