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idée de la forme du cerveau dans l’Anoplotherium ;… il était peu volumineux à proportion… ses hémisphères ne montraient pas de circonvolutions, mais on voyait seulement un enfoncement longitudinal peu profond sur chacun. Toutes les lois de l’analogie nous autorisent à conclure que notre animal était fort dépourvu d’intelligence.

C’est seulement vers la fin des temps tertiaires que les cerveaux des divers mammifères ont pris leur complet développement. Des sociétés animales où se trouvaient à la fois des solipèdes, des ruminans variés, des proboscidiens, des rongeurs, des carnivores nombreux, des insectivores, des singes, devaient représenter une somme d’intelligence bien supérieure à celle des âges antérieurs.

L’encéphale de l’homme, le dernier venu des êtres qui se sont succédé dans le monde, a surpassé par sa dimension et sa complication celui des singes ; vu en dessus, il ne laisse voir que de grands hémisphères riches en circonvolutions ; les lobes olfactifs, les tubercules optiques, le cervelet et même la moelle allongée sont ramenés en dessous des hémisphères ; la concentration est à son suprême degré.

Dès l’époque quaternaire, l’homme marque sa supériorité immense sur le monde animal. Il y eut un temps où, dans nos. contrées, on vit cheminer le gigantesque Elephas autiquus, le Rhinoceros de Merck, d’énormes bovidés ; des hippopotames se jouaient dans les rivières que bordaient des liguiers ; on entendait rugir les Machairodus, les hyènes et les ours. En face de bêtes géantes ou féroces, ont paru des hommes à peu près faibles comme nous le sommes, n’ayant pour se défendre que des bâtons et des instrumens en silex. Lutte inégale, combat rempli d’anxiété ! On dirait des pygmées qui s’essaient contre des géans. Eh bien ! les pygmées ont vaincu les géans. Le génie de l’homme a dominé la puissante nature.

Plus tard le spectacle avait changé ; la température était devenue glaciale et avait dû appauvrir la végétation ; les rivières gelées n’avaient plus d’hippopotames ; au cerf avait succédé le renne, à l’Elephas antiquus, le Mammouth couvert d’une épaisse toison, et au Rhinoceros de Merck, le Rhinocéros laineux. Il y avait encore de grands bovidés, de grands lions, de grands ours et des hyènes. Malgré ces ennemis, en dépit des frimas, nos aïeux cousaient des vêtemens, ébauchaient des gravures et des sculptures. Saluons-les avec respect, car c’étaient des braves et des artistes. Depuis eux, il y a eu développement progressif du génie humain. Dieu seul peut savoir où ce développement s’arrêtera.