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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/404

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partie du corps expéditionnaire dut rentrer en Italie. Quelque temps après, un nouvel échec atteignit les troupes italiennes laissées en Afrique. Un fort détachement, composé en très grande partie de troupes indigènes, surtout de bachi-bouzouks à la solde de l’Italie, fut surpris par les Abyssins à Saganéiti. Près de la moitié des soldats et tous les officiers, à l’exception d’un seul, restèrent sur le carreau. L’échec fut dû, il est vrai, à la trahison des indigènes qui, au début de l’action, passèrent à l’ennemi et tirèrent sur les troupes italiennes.

Malgré la grandeur de l’effort entrepris par l’Italie, Dogali n’était donc pas vengé. On s’était contenté d’occuper le pays fortement jusqu’à une distance de 30 kilomètres dans l’intérieur et la campagne se terminait en réalité par un nouvel échec. De grands sacrifices étaient de nouveau nécessaires et la lutte paraissait devoir se prolonger au grand détriment des finances italiennes. Mais, depuis son unification, l’Italie joue, on le sait, de bonheur, et la fortune qui veut qu’en Europe chacune de ses défaites soit suivie d’une augmentation territoriale devait lui continuer la même faveur en Afrique. Le 10 mars 1889, le roi Johannès fut tué dans une bataille livrée aux derviches près de Métamneh, à la limite de la frontière éthiopienne et du Soudan égyptien, et cette mort changea complètement la face des choses au profit de l’Italie.

Sur le champ de bataille de Métamneh, se sentant frappé à mort, le négus avait désigné pour lui succéder son fils naturel, Mangascia ; mais les Italiens, qui depuis longtemps menaient de front les expéditions militaires et les intrigues politiques, avaient fait entrer dans leurs calculs l’éventualité de la mort de Johannès et cherché le meilleur moyen d’en tirer parti. Depuis leur établissement à Assab, ils étaient entrés en négociations avec Ménélik II, roi du Choa et vassal du négus, et espéraient faire de lui un empereur d’Ethiopie qu’ils auraient placé sous leur protectorat. Dans ce dessein, ils avaient accrédité auprès de lui un homme fort expert dans la connaissance des affaires d’Abyssinie, l’explorateur Antonelli. Ce dernier, ayant su capter les bonnes grâces du roi du Choa, le poussa à entrer en lutte avec Johannès et à devenir le maître de toute l’Ethiopie. Sous l’influence de ces conseils, Ménélik prit une attitude des plus équivoques avec le négus. Il commença par augmenter considérablement son armée qui finit par compter jusqu’à 80 000 hommes, dont un tiers armé de fusils à tir rapide ; puis, pour l’aguerrir, il alla attaquer Harrar, dont la prise fit tomber entre ses mains 20 000 remingtons et quantité de munitions. Après le combat de Dogali, il trouva divers prétextes pour ne pas joindre ses forces à celles du négus devant les lignes