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l’Océan-Indien des traités qui donnèrent à la compagnie tous les territoires de la côte de Ben-Adir, depuis Warsheik jusqu’à l’embouchure de la Tana. La convention du 29 octobre-1er novembre avait reconnu en outre à l’Allemagne la souveraineté sur le sultanat de Witou.

Toute la côte somâl tomba dès lors dans la dépendance de la compagnie de l’Afrique orientale allemande. Elle put se vanter d’avoir acquis plus de 1 800 kilomètres de côtes sur l’Océan-Indien et, après l’accord de 1886 qui plaça dans la sphère d’influence allemande la partie méridionale du sultanat de Zanzibar, eut quelque raison de se considérer comme l’une des compagnies territoriales les plus puissantes du monde. Mais cette illusion fut de courte durée. Précisément au moment où elle pouvait espérer se livrer en toute sécurité à l’exploitation des ressources de la côte somâl, la plus grande des déceptions vint l’atteindre. Le gouvernement allemand, doutant de la valeur du pays somâl, ne ratifia pas les traités conclus par les agens de la compagnie et les chefs indigènes de la côte. Trouvant suffisantes les concessions qui lui avaient été reconnues à la suite de son entente avec l’Angleterre dans la délimitation de leurs sphères d’influence respective à la côte orientale d’Afrique, il ne voulut pas s’engager dans la voie que lui avait ouverte la compagnie de l’Afrique orientale allemande, et de toute la côte somâl il ne garda que le sultanat de Witou.

Ce fut alors que, l’Allemagne se dérobant, l’Italie entra en scène.

La vaste région dont l’Allemagne ne voulait pas avait pour les intérêts italiens une importance de premier ordre. Sans doute la côte somâl est d’une fertilité fort médiocre en elle-même : le rivage est aride, la plaine qui le continue dans l’intérieur est monotone, peu accidentée ; les puits y sont avares ; les ruisseaux y sont remplis d’eau saumâtre ; la flore y est maigre et desséchée. au-delà l’Ogadine n’est qu’une immense steppe où les cultures sont rares et insignifiantes. Tout le pays est brûlé par un implacable soleil. Les tribus qui parcourent ces vastes solitudes sont réputées féroces et hostiles aux Européens. Mais la côte somâl est le débouché naturel du pays galla et par conséquent de l’Ethiopie méridionale vers l’Océan-Indien et le golfe d’Aden. Le possesseur du littoral devient le maître incontesté, au point de vue commercial et économique, de ces contrées. En l’occupant, les Italiens restaient fidèles à leur plan d’isoler l’Ethiopie de la mer, de la tourner, de l’envelopper de manière que cette dernière ne pût communiquer avec le reste du monde que par leur intermédiaire.