charme mêlé de surprise du chercheur qui voit peu à peu la vérité se lever de ces lettres signées de noms illustres, de ces instructions dont le grand mérite pour nous est qu’elles n’étaient pas destinées à être connues de nous. Quelle est d’ailleurs, au point de vue du contrôle de l’histoire précédemment écrite, l’utilité des renseignemens qu’on tire de ces sources nouvelles ? M. le duc de Broglie a la franchise d’avouer que la plupart du temps, ils ne modifient guère les résultats déjà acquis. « On s’aperçoit le plus souvent que ces précieuses acquisitions changent peu de chose à la face générale des événemens, que les impressions des contemporains, habituellement justes, se sont transmises à la postérité sans trop se dénaturer, et que si la vérité a été quelquefois obscurcie de nuages, le temps seul a suffi à l’en dégager. » Peu importe, après tout, et quand même on n’arriverait dans la plupart des cas qu’à établir la certitude sur des bases plus solides, cela même a son prix.
Il arrive que l’exhumation des papiers diplomatiques aboutisse à des résultats moins modestes, et qu’elle serve non pas seulement à confirmer, mais à rectifier l’état des questions. C’est le cas pour tout ce qui touche au XVIIIe siècle. Ici, en effet, l’histoire ne nous apparaît qu’à travers les controverses suscitées par le mouvement philosophique. Ici pas un incident qui n’ait été exploité par cet esprit de parti dont M. le duc de Broglie définit justement le trait caractéristique : « une crédulité aveugle qui admet les soupçons les moins fondés dès qu’il en peut tirer profit, et conteste l’évidence même dès qu’elle le gêne. » L’histoire du XVIIIe siècle est tout entière à réviser, à refaire ou à faire. Les conclusions mêmes auxquelles aboutit le travail de M. le duc de Broglie en sont la preuve. Sur un point essentiel de la politique de Louis XV, la question de l’alliance autrichienne, l’historien se place à un point de vue précisément opposé à celui qui, jusqu’ici, avait été admis sans discussion. C’est ce qui fait en partie la nouveauté de ces belles études et leur donne leur valeur scientifique.
Depuis le temps de François Ier, tous nos rois avaient travaillé à une même œuvre : l’abaissement de la maison d’Autriche. En ce sens, la guerre de la succession d’Autriche avait été conforme aux traditions séculaires de notre politique. Or par un traité en date du 1er mai 1756, la France tendait la main à sa vieille ennemie. N’était-ce pas rompre violemment avec le passé, renoncer au bénéfice de tant d’efforts, de tant de luttes soutenues et de sang versé, détruire les résultats dus au génie de Richelieu, comme à la persévérance de Louis XIV et au bonheur de nos généraux ? Il le paraissait bien. Ce fut avec une sorte de stupeur que l’Europe accueillit la nouvelle de cette révolution. La postérité, il y a quelques années encore, partageait l’étonnement des contemporains et leur indignation. Il était admis par tous