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césarisme, quel qu’il soit, ne serait une solution. Dès lors, si la République ne veut ni finir dans le sang ni languir dans l’imbécillité, la solution pacifique et logique, il faudra tôt ou tard qu’elle y recoure. Et ce sera celle qu’on vient d’indiquer, ou quelque chose d’approchant. En principe, on peut affirmer que le suffrage universel sera organisé et que, par lui, l’Etat moderne s’organisera ; — ou qu’il ne sera pas ; — ou qu’il continuera, comme il l’a fait, à travers les bouleversemens et les tâtonnemens du siècle, à se chercher sans se trouver.

Là, encore une fois, est la solution véritable et, selon le train des affaires humaines, définitive à la crise de l’État moderne ; là, dans la représentation réelle du pays, du pays réel, du pays vivant tout entier ; et cette solution, que, pour plus de clarté et de brièveté, il est permis de qualifier d’organique, on peut affirmer que c’est vers elle que nous devons tendre et vers elle que la force des choses nous conduit. Etant cela, elle est le but. Mais on ne conteste pas, au demeurant, qu’on sache mal de quel pas nous y allons, ni que ce but puisse être assez lointain et assez ardu à atteindre. Il nous apparaît comme au bout, au sommet d’une grande pente où l’on gravit par des plans successifs ; autrement dit, entre le point où nous sommes et cette solution intégrale qui s’imposera un jour, s’interposent, échelonnées, étagées, diverses solutions moins complètes, moins satisfaisantes, accessoires ou provisoires ; demi-solutions, si l’on veut, mais qui nous seraient au moins des haltes de repos dans le chemin. Seulement, il ne faut pas perdre de vue que si, plus bas, les tentes peuvent être plantées, ce n’est que là-haut que la maison de granit et de ciment sera construite.

Ce pauvre État, affolé par ses cent ans passés de vagabondage, ne se rassiéra, ne se fixera que dans la représentation réelle du pays, par le suffrage universel organisé. Aussi voudrions-nous : premièrement, faire voir que c’est à elle, à la représentation de tout ce qui vit dans la nation, qu’aboutissent en somme, et la théorie et l’histoire ; en second lieu, montrer que les législations étrangères en fournissent des exemples intéressans ; en troisième lieu, établir, sur des données extraites des statistiques officielles, que son application, même immédiate, à la France de ce jour et de cette heure, ne rencontrerait pas dans les faits d’obstacle insurmontable, et que les résistances ne viendraient point de l’inflexibilité des chiffres, lesquels ne sont cependant pas suspects de complaisance pour les bâtisseurs de systèmes. — Enfin, comme l’introduction de cette représentation plus sincère ne serait pas la seule réforme, comme elle en entraînerait d’autres et comme