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plaignez ne sont pas des exigences locales ; si ces taxes n’étaient pas édictées, le budget de l’Inde ne pourrait être en équilibre, et c’est aux contribuables anglais qu’incomberait la charge de combler le déficit. Mais les filateurs répliquent non sans raison : Pourquoi supportons-nous seuls pour tout le Royaume-Uni ce sacrifice ? Et ils soulignent ce qu’il y a d’anormal, d’extraordinaire dans ce fait que le pays du libre-échange par excellence autorise ses colonies à édicter des tarifs protecteurs, à les édicter contre lui-même. Les plaintes de la colonie, les ménagemens que comporte son administration, l’impossibilité d’augmenter certains revenus dont la source est très critiquée comme ceux de l’opium, par exemple, l’ont emporté sur les plaintes de l’industrie métropolitaine à laquelle on ne laisse d’autre consolation que d’espérer l’abrogation du droit qui la frappe, le jour où l’équilibre du budget indien sera assuré !

Mais ce droit, s’il favorise, au détriment de l’industrie britannique, le développement de l’industrie indigène, s’il suffit à arrêter les importations des marchandises anglaises surchargées de frais de production, ne gêne pas outre mesure, et en tout cas n’arrête pas les marchandises similaires japonaises produites à vil prix d’argent. Le Japon comprend à merveille la situation ; il a trouvé du premier coup le meilleur moyen de faire concurrence à l’Angleterre avec succès. Il lui a emprunté ses méthodes, mais en les perfectionnant. L’Angleterre avait déjà, depuis longtemps, découvert le secret par rapport à l’Europe de fabriquer à bon marché. Le Japon, connaissant beaucoup mieux encore le fort et le faible des acheteurs orientaux, qui tiennent non pas à la qualité, mais au bas prix et à l’effet, à l’apparence des choses, est arrivé tout de suite à cette simplification : vendre MAUVAIS ET BON MARCHE (j’emprunte cette formule expressive à M. de Brandt) ; que la marchandise soit mauvaise, peu importe, pourvu qu’elle ait de l’œil et qu’elle se vende bon marché.

Les cotonnades japonaises menacent donc les cotonnades indiennes, et avilissent encore leur prix, comme les cotonnades indiennes ont fait elles-mêmes à l’égard de celles d’Angleterre.

Dans quelle proportion cette dernière concurrence de l’Inde s’est-elle effectuée, c’est ce qu’il est très important de mesurer, car nous sommes au cœur de notre sujet. On verra que les industriels indiens n’ont pas attendu d’être protégés pour prendre leur essor.

Il y aurait un livre à écrire sur l’histoire du coton dans la dernière moitié de ce siècle, M. H. Brenier en fournit les premiers élémens dans les articles que j’ai cités et d’où j’extrais à dessein ces chiffres, d’autant plus éloquens qu’ils sont fournis par un optimiste. Au 30 juin 1891, à la faveur des conditions