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créées en moins de six mois, au capital d’environ 280 millions de francs, et que ce chiffre avait plus que doublé en juin 1895, et cela avant la guerre… Que sera-ce à présent ?

Il serait plus aisé d’énumérer ce que les Japonais n’ont pas entrepris que d’essayer de parcourir le champ vraiment sans limite où leur initiative prétend s’exercer. Ils ont, bien entendu, l’éclairage électrique ; un réseau de tramways électriques a été créé à Tokio ; ils étudient non seulement les moyens d’atteindre du premier coup le dernier degré du perfectionnement mécanique dans leurs filatures, qui ne sont pas encombrées comme les nôtres d’un matériel vieilli qu’il nous faut bien utiliser, mais encore les moyens d’installer des hauts fourneaux, des forges, des aciéries. Et nous les aidons ! Nous les armons, nous les instruisons, nous leur vendons nos procédés, nos machines, nous leur envoyons nos chefs d’ateliers ! Et pourquoi, sous notre direction, avec nos conseils, avec notre aide, ne réussiraient-ils pas à nous imiter dans une industrie comme dans l’autre, ces Orientaux si adroits, si fins, qui ont fondu, sculpté, tissé, peint ou brodé tant de chefs-d’œuvre que nos amateurs les plus éclairés se disputent ?

Allons-nous prendre notre parti de n’importer en Extrême-Orient, comme on l’a dit, que des idées ? Faudra-t-il désormais nous contenter du noble rôle de l’inventeur dont les découvertes n’enrichissent que son prochain ? Nous inventerons le télégraphe, le téléphone, etc., mais les Japonais fabriqueront les appareils, les poseront chez eux et finiront par les exporter…

Ils ont le fer, la houille.


La houille ! Quelle révolution n’a pas accomplie déjà ce grossier minerai ? Que serait l’Angleterre aujourd’hui sans le charbon ? Le charbon a créé des usines, des villes, des flottes, des colonies ; ce n’est pas les machines seulement, c’est tout un peuple qu’il a mis en mouvement, et dont il a quintuplé la force active. Mais si ce même charbon se trouve ailleurs et se répand à la place du charbon anglais dans le monde, voilà l’industrie, la navigation anglaises qui reçoivent une atteinte de plus. Or il s’en trouve et en abondance en Amérique, et en Australie, et en Asie. En Asie, nous savons ce qu’on en extrait déjà au Tonkin, et on peut prévoir ce qu’en fournira la Chine. Quant au Japon, deux chiffres suffiront pour donner un aperçu de l’importance de ses ressources à cet égard et de l’activité de son exploitation. Le seul port de Moji, exceptionnellement bien situé, il est vrai, a exporté ou fourni à des navires étrangers, en 1890, 106 845 tonnes. En trois ans, ce chiffre a quadruplé, passant de 100 000 à 400 000 tonnes (430 000) ; et dans ces chiffres ne sont pas compris les chargemens effectués