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majorité de circonstance. Mais depuis lors, on attend toujours la lumière et on ne voit pas qu’elle se produise. Peut-être M. Rempler était-il un peu lent dans la manière dont il conduisait l’instruction qui lui avait été confiée. Pendant quelques jours, M. Le Poittevin a montré une ardeur surprenante. Les assignations à comparaître devant lui pleuvaient partout, à tort et à travers. Il semblait qu’on était à la veille de grandes découvertes. Puis le silence s’est fait. L’obscurité est restée aussi profonde. Quelques affaires latérales avaient été entamées par le gouvernement, et l’une d’elles avait provoqué une grande émotion dans le public : nous voulons parler des chantages auxquels se seraient livrés quelques journalistes. Le résultat n’a répondu ni à la longueur de l’attente, ni à l’éclat de la première mise en scène. On commence à se demander si, dans cet étalage de vertu prouvée par ce grand nombre de poursuites, il n’y a pas, de la part du gouvernement, le désir de faire diversion à d’autres soucis et en même temps de paralyser l’opposition d’adversaires qui s’arrêtent et se taisent dès qu’on paraît les accuser de mettre obstacle à cette explosion de lumière dont on parle toujours et qui ne vient jamais. Le gouvernement a aujourd’hui Arton entre ses mains : qu’en fait-il ? Il y a longtemps que sa cause est connue, puisqu’elle a été plaidée par les avocats de notre ambassade devant la justice anglaise : pourquoi n’est-elle pas évoquée devant nos propres tribunaux ? Tous ces accusés, tous ces suspects semblent constituer une sauvegarde sacrée autour du ministère. Ils l’ont sauvé le jour de l’interpellation de M. Barthou sur le remplacement de M. Rempler. Mais enfin ce moyen s’use, et, à force d’attendre en vain, le public se demande s’il n’y a pas là une pure mystification.

En tout cas, depuis cette interpellation, l’attitude du parti modéré à la Chambre s’est complètement transformée. A voir l’animation qu’il apporte dans la lutte et l’ardeur avec laquelle il soutient les orateurs qui parlent en son nom, on sent en lui une volonté toute nouvelle. Déjà le développement d’une autre interpellation sur les fautes multiples que le gouvernement a commises dans les affaires de Madagascar avait révélé ces dispositions à la bataille ; elles se sont manifestées d’une manière encore plus significative à propos de l’impôt sur le revenu. Depuis longtemps, le rendez-vous était pris, de part et d’autre, sur cette question, la plus grave que la Chambre ait eu à traiter dans cette législature. Nous avons parlé trop souvent du projet en lui-même pour avoir à y revenir. On sait que la Chambre l’avait condamné dans ses bureaux en nommant une commission qui lui était presque à l’unanimité hostile ; mais, entre la Chambre votant à huis clos sur le choix de ses commissaires, et la Chambre votant en séance publique sur des propositions formelles, il y a souvent quelque différence : on vient de le voir une fois de plus. Que devait faire la Commission du budget ?