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se reposer d’une expédition, agriculteur en Afrique, entre deux colonnes, légionnaire enfin, d’après la grande physionomie de son ancêtre, le soldat romain !


II

Ils datent de longtemps en France, les régimens étrangers. Elle en a eu à sa solde d’Ecossais, d’Anglais, d’Irlandais, de Suisses, de Polonais, d’Allemands. C’étaient de magnifiques troupes, manœuvrières et guerrières, d’un commandement très recherché. Elles eurent l’honneur de colonels peu ordinaires, qu’on peut citer au hasard : Trivulce, Gondi, Broglie, Rantzau, Lowendahl, Stuart, Berwick, Luckner. Facilement on y eût ajouté le prince Eugène et Marlborough, qui briguèrent sans succès d’y servir ; les ministres de la guerre n’ont pas toujours la décision heureuse.

La fidélité héroïque des régimens suisses est devenue légendaire : l’idée du devoir militaire trouva chez eux sa plus sublime expression. La révolution les avait massacrés sur les marches du trône ; ils se laissent brûler, en 1830, dans le poste du Palais-Royal. Ce fut leur dernier sacrifice, et, de leur suppression naquit l’organisation actuelle de la Légion étrangère. La loi du 9 mars 1831, qui la consacra, admettait des engagés de dix-huit à quarante ans, pour des engagemens de trois et de cinq années ; elle groupait par bataillon les hommes d’une même nationalité. Cette mesure mit en tel péril l’esprit de corps que, dès 1835, on y renonça, pour adopter le mélange absolu des élémens de recrutement, sans distinction d’origine, excellente méthode dont on ne s’est plus départi par la suite.

En cette même année, la Légion qui, depuis sa création, était employée en Afrique, sa place naturelle, se vit tout à coup cédée à l’Espagne, afin d’y soutenir les droits d’Isabelle II, à qui les carlistes disputaient la succession de Ferdinand VII. L’effet de cette cession, aussi imprévue qu’injuste, fut douloureusement ressenti ; tous, officiers et soldats, protestèrent de leur droit de servir le pays, auquel ils s’étaient liés librement, et non toute autre puissance. Mais, menacés de perdre le bénéfice de leur position et de leurs services antérieurs, ils durent se soumettre, et, pendant trois années, ils versèrent, sans compter, leur sang pour l’Espagne, qui ne sut même pas tenir ses promesses à leur égard. Partis 4 100, ils en revinrent 500.

Cependant la disparition de la Légion accusa bientôt un tel vide dans l’armée d’Afrique qu’on dut se préoccuper d’en former une nouvelle. Un bataillon de cette deuxième Légion, commandant Bedeau, eut l’immédiate fortune de la seconde expédition de