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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/163

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Il séparait ceux qui aiment des autres : « Vous qui amez, traiez en ça ; — En la, qui n’amez mie ! » Ou bien un personnage chantait :


Au vert bois deporter m’irai,
M’amie i dort, si l’esveillerai…


et peut-être n’est-il pas trop téméraire d’interpréter ces deux vers par le rappel de cet usage, mentionné plus haut, du baiser d’éveil qu’une jeune fille va donner au roi de mai endormi dans la verdure.

Puis ce sont de rapides figures de balerie où une jeune fille, sans doute seule « en mi la carole », appelle et fuit un galant : « Qui sui-je dont ? Regardez-moi, — Et ne me doit-on bien amer ? » Mais du milieu des danseurs l’amant s’écrie : « J’ai bone amorete trovée ! » Elle riposte : « Or viengne avant cil qui le claime ! » Alors, il se détache de la ronde, s’offre : « Je prendrai l’oiselet tout en volant !… — La rose m’est donée — Et je la prenderai. » Mais elle échappe, se refuse, et la brève Oaristys se dessine. Elle cède enfin :


« Que demandez-vous
Quant vous m’avez ?
Que demandez-vous ?
Dont ne m’avez-vous ?
— Je ne demant rien,
Se vous m’amez bien. »


Les voilà réunis et qui disent leur joie : « Acolez-moi et baisiez doucement — Que li mals d’amer me tient joliement !… — Bele, quar balez, et je vos en pri, — Et je vos ferai le vireli ! » Cependant le chœur applaudit : « Ensi doit aler dame a son ami, — Ensi doit aler qui aime ! »

Mais le thème des chansons de danse et de printemps n’était pas toujours celui de ces innocentes reverdies. « En l’onor de mai », on chantait aussi l’amour libre, et c’était là l’inspiration la plus remarquable de ces piécettes. « C’était, écrit M. G. Paris, un moment d’émancipation fictive qu’on pourrait appeler la libertas maia, émancipation dont on jouit d’autant plus qu’on sait très bien qu’elle n’est pas réelle et qu’une fois la fête passée il faudra rentrer dans la vie régulière, asservie et monotone. A la fête de mai, les jeunes filles échappent à la tutelle de leurs mères, les jeunes femmes à l’autorité chagrine de leurs maris ; elles courent sur les prés, se prennent par les mains, et dans les chansons qui accompagnent leurs rondes elles célèbrent la liberté, l’amour choisi à leur gré, et raillent mutinement le joug auquel elles savent bien qu’elles ne se soustraient qu’en paroles. Prendre au