Mais la théorie, telle que M. G. Paris la construite, se développe avec une ampleur tout autre. Il regarde bien les pastourelles, les reverdies et les chansons à personnages comme « les modifications jongleresques, puis aristocratiques, de chansons et de petites scènes appartenant aux fêtes de mai ; » seulement, il se représente tout autrement le mode de ces transformations. Elles n’auraient pas été, à l’origine, voulues, mais spontanées, et comme organiques. Ce n’est pas un caprice de nobles trouvères, habitués aux vers courtois, qui a brusquement travesti les poésies vilaines. Mais il faut se figurer une époque où ces mots courtois et vilain n’avaient pas un sens aussi défini ; où, les castes sociales ne s’opposant pas encore très fortement, la poésie était commune à tous. Puis, à mesure qu’une partie de cette société tendit à se raffiner, sans secousse les thèmes lyriques se raffinèrent aussi à son image ; en sorte qu’ils n’ont pas été transplantés ; mais, continuant de végéter dans l’air natal même, c’est cet air seulement qui est devenu peu à peu plus subtil : d’où leurs modifications postérieures.
De cette interprétation des faits suit cette conséquence importante : qu’il est loisible à M. G. Paris d’élargir son hypothèse. Si l’on admet que la primitive poésie des maieroles n’a pas été adaptée à la société courtoise artificiellement et par manière de jeu, mais que celle-ci l’a de tout temps accueillie par une sincère et sérieuse adhésion, on n’en est plus réduit comme nous à rattacher aux fêtes de mai quelques menus genres pastoraux, divertissemens de cercles mondains ; on peut supposer que l’inspiration de cette poésie printanière a suscité pareillement et animé les grands genres lyriques et toute la poésie courtoise du moyen âge. C’est bien là, en effet, que tend le système : « Je voudrais, dit M. G. Paris, rendre vraisemblable cette thèse que la poésie des troubadours proprement dite, imitée dans le Nord à partir du milieu du XIIe siècle, et qui est essentiellement la poésie courtoise, a son point de départ dans les chansons de danses et notamment de danses printanières… Cette poésie était destinée à un prodigieux épanouissement, à susciter en France et en Allemagne une poésie lyrique d’imitation, à créer celle du Portugal et de l’Espagne, et à féconder en Italie le sol où devaient plus tard fleurir et la poésie subtile ou sublime de Dante et la poésie délicate et raffinée de Pétrarque. Tout cela, si je ne me trompe pas dans mes rapprochemens et mes inductions, provient des reverdies, des chansons exécutées en dansant, aux fêtes des calendes de mai. »
Ce qui met d’abord en garde contre cette hypothèse, c’est la