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Ainsi les nitrates prennent naissance dans une terre en jachère ; ils y sont abondans, parce que la terre est aérée et humide, et, nous le répétons, cette dernière condition n’est réalisée que parce que la terre ne porte pas de végétaux, qui sans cesse rejettent dans l’atmosphère l’eau que leurs racines enlèvent au sol.

Une partie des nitrates, formée par les terres en jachère, est perdue, entraînée par les eaux qui traversent le sol ; cette perle n’est pas très forte cependant, car les drains coulent rarement pendant l’été ; c’est à l’automne, au moment des grandes pluies, que les nitrates formés pendant les chaleurs de l’été sont entraînés par les eaux ; or, ce moment est précisément celui des semailles du blé d’hiver, et aussitôt que le blé commence à émettre des racines, celles-ci s’emparent avidement des nitrates formés ; j’ai reconnu, en effet, il y a plusieurs années, que les eaux de drainage des terres nues étaient bien plus chargées pendant l’hiver que celles qui coulaient déterres récemment emblavées en froment.

Aujourd’hui, bien pourvus d’engrais, nous blâmons cette pratique de la jachère, et nous l’abandonnons avec juste raison ; mais n’est-il pas admirable que, par simple empirisme, à force d’observations longtemps répétées, nos pères aient su réaliser la formation des agens de fertilité les plus précieux dont ils ignoraient profondément l’existence, et qu’ils aient ainsi pallié leur manque d’engrais ?

Il a fallu que les avantages de laisser la terre nue fussent bien visibles pour que partout on consentît à l’abandonner pendant une année entière sans lui demander de récolte ; on voulait qu’elle se reposât ; en réalité le travail intérieur y était au maximum puisque, sans le savoir, on y réalisait les conditions nécessaires à l’activité des fermens qui amènent l’azote à la forme essentiellement assimilable de nitrates.

La pratique de la jachère disparaît peu à peu, elle n’a plus de raison d’être ; nous faisons précéder la culture du blé de plantes assez écartées pour que le passage des instrumens employés à la destruction des mauvaises herbes soit toujours facile ; en outre, nous disposons d’une quantité d’engrais suffisante pour qu’il ne nous soit plus avantageux de tirer exclusivement les nitrates qu’utilisent nos récoltes de la transformation de l’humus du sol, en payant cette transformation de la perte d’une année de récolte.

Actuellement dans la région septentrionale de la France, la culture du blé est précédée de celle des betteraves ou des pommes de terre, naguère de celle du colza ; dans le Midi : du maïs à graines. Toutes ces plantes appartenant à des familles différentes, présentent au point de vue agricole un caractère commun, les