poursuivaient leur succès à l’Hôtel de Ville et, maîtres de la place où ils empêchaient la proclamation d’un pouvoir légal, occupaient aussi la place où naissent dans Paris les gouvernemens insurrectionnels, la journée allait être à eux. Et soit que la France acceptât le joug, soit que, pour ne pas s’y soumettre, elle dût ajouter au fléau de la guerre étrangère le fléau d’une guerre civile, le 4 septembre menaçait d’être une date de plus dans nos infortunes.
La gauche parlementaire, vers qui les événemens jusque-là poussaient le pouvoir, voyait ses chances emportées par l’émeute, et s’en trouvait, après l’Empire, la principale victime. L’instinct du péril inspira à deux députés l’audace du remède. Puisque le Palais-Bourbon était aux mains de la démagogie, c’est à l’Hôtel de Ville qu’il fallait devancer l’alliée devenue déjà une rivale, et obtenir contre elle, là même où elle avait l’habitude de vaincre, une consécration populaire. Jules Favre et Gambetta, dès trois heures, abandonnèrent la Chambre aux envahisseurs ; le premier par la rive droite de la Seine, le second par la rive gauche, tous deux entraînant une partie de la foule, prirent le chemin de la Cité.
L’entreprise offrait moins de hasards qu’ils ne craignaient. La révolution a à son service trois sortes d’hommes. Les moins nombreux sont les conspirateurs qui vivent pour elle, toujours prêts, sur un mot d’ordre, à employer la force. Un autre groupe plus étendu est celui des déclassés à qui, par leur faute ou celle du temps, manquent les moyens réguliers d’existence. Sans qu’ils aient besoin d’être enrôlés dans une faction, ni d’en connaître les desseins, ceux-là aspirent sans cesse, par toutes les énergies de leurs souffrances et de leurs haines, à la ruine d’un ordre où ils se sentent victimes : incapables de commencer un mouvement, ils sont incapables de ne pas le seconder dès qu’il s’engage. Enfin une masse de mécontens, trop peu fanatiques pour donner leur vie à la révolte, assez assurés du pain quotidien pour ne pas devenir les complices nécessaires de tous les troubles, mais obsédés jusque dans leur calme par un grief vague et amer contre la société, n’attendent pour le satisfaire que l’occasion favorable : eux, sans se déclarer les premiers contre ce qu’ils détestent, sans prêter main-forte aussitôt aux tentatives de désordre, ont avec toutes une complicité de vœux, se joignent à elles pour peu qu’elles durent, et, quand ils croient au succès, l’apportent avec la puissance du nombre. Paris, au 4 septembre, contenait à peu près cinq mille conspirateurs de profession, capables d’engager, sur un signe de leurs chefs, la bataille. Toute entreprise tentée par