de l’Empire abattu, de la République fondée, de la France envahie, on l’adjura d’oublier d’anciens désaccords, de ne pas en préparer de nouveaux, d’unir sa force à une œuvre de salut public. En Rochefort, le démagogue qu’il était devenu et l’homme de bon sens qu’il était né se combattaient souvent et triomphaient tour à tour : cette fois il trouva moyen de les satisfaire tous deux en même temps. Il se laissa convaincre de siéger au gouvernement, déclara à ses partisans qu’il n’entendait pas déposséder « un bon républicain » comme était Etienne Arago, mais ajouta qu’il fallait, « pour surveiller le gouvernement », un conseil municipal élu par Paris. Ainsi il appelait pour le lendemain le conflit qu’il écartait de l’heure présente. Mais pour un pouvoir qui naît et n’a pas encore ses forces, retarder le péril c’est l’amoindrir, et la démagogie avait perdu la journée.
L’Empire, moins à craindre qu’elle, gardait encore des restes de vie et des centres de résistances. Le plus menaçant paraissait être la Préfecture de police, où l’on avait vu se replier les sergens de ville avec la garde de Paris. Cet édifice plein d’hommes armés, ses issues closes et son silence faisaient peur. Kératry s’offrit à prendre possession de la place. Muni d’un ordre qu’il réclama, que Gambetta écrivit, et accompagné par neuf gardes nationaux de bonne volonté, il alla sommer la place. Elle s’ouvrit. Dans ses cours intérieures étaient rangées les brigades presque au complet des sergens de ville, et toute la garde municipale, avec son colonel. À la tête de ses neuf hommes, Kératry traversa cette petite armée de 10 000 soldats et se rendit au cabinet du préfet, où les chefs de service et les commissaires de police étaient assemblés. Kératry les consigna dans un salon voisin, donna ordre aux sergens de ville de ne pas quitter la préfecture avant la nuit, et, quand elle serait venue, de regagner isolément leurs demeures, fit appeler le colonel Valentin, chef de la garde municipale, lui demanda si le gouvernement nouveau pouvait compter sur cette troupe pour le maintien de l’ordre dans Paris, et, sur la parole donnée par l’officier, le chargea de la sûreté publique. Ces mesures prises, il se rendit rue de Grenelle à l’administration des télégraphes, fit défense au directeur général de transmettre désormais aucune dépêche et le mit sous la garde d’un factionnaire. Restait, pour couper court aux tentatives de résistance en province, à s’assurer le ministère de l’intérieur. Picard et Gambetta s’étaient chargés de ce soin. Ils furent accueillis en maîtres, place Beauvau ; les fonctionnaires du cabinet se mirent à leur service, exprimant la satisfaction que la France ne fût pas tombée en pires mains. Dès lors le présent semblait assez sûr