palais de la Présidence : là une galerie qui servait aux dîners officiels était assez vaste. Les députés se transmirent les uns aux autres l’avis de s’y rendre, et, à quatre heures, cent soixante-dix s’y trouvaient réunis. Parmi eux presque tous les membres du centre gauche, plusieurs de la gauche, entre autres Jules Grévy, Jules Simon et Garnier-Pagès.
Schneider, maltraité par la foule au moment de l’invasion, était malade et au lit. Un des vice-présidens, Leroux, et deux des secrétaires, Josseau et Martel, prirent place au bureau. La discussion fut ouverte par Garnier-Pagès. Il s’étendit si longuement sur les crimes de l’Empire et sur les fautes du Corps législatif que l’impatience générale le somma enfin de conclure, et il conclut en conseillant un accord avec le gouvernement de l’Hôtel de Ville. Des dénégations véhémentes l’accueillirent ; et M. Buffet, flétrissant en quelques mots d’une énergie frémissante la violence accomplie, se refusa, « dût-il engager sa vie, à reconnaître un régime qui s’élevait sur les ruines de la liberté et du droit. » C’était le courage et l’honneur de l’Assemblée qui avaient protesté par sa bouche, et il sembla qu’il eût parlé au nom de tous, tant furent nombreux ceux qui l’acclamèrent et vinrent lui serrer les mains. Mais, tandis que cette émotion suspendait la séance, arrivaient, apportés par les députés retardataires, les bruits du dehors : la proclamation de la République, la soumission générale, le départ de Trochu pour l’Hôtel de Ville. A chaque nouvelle l’Assemblée sentait peser plus lourdement l’oppression du fait sur le droit, et comprenait mieux la nécessité de rattacher par une transaction la légalité impuissante à l’émeute victorieuse. Les pensées allaient si vite qu’un membre de la droite, jusque-là connu par son zèle pour l’empire autoritaire, Dréolle, tout en s’associant aux paroles de M. Buffet, tout en se refusant à voir dans les députés réunis à l’Hôtel de Ville autre chose que des membres du Corps législatif, ouvrit l’avis d’entrer en rapports avec eux pour connaître leurs desseins. L’Assemblée ne s’y résigna pas aussitôt, mais déjà cherchait quel gage offrir à la révolution, et crut l’avoir trouvé en statuant sur les mesures soumises, quelques heures avant, au Corps législatif. M. Martel donna lecture de son rapport sur les trois projets Palikao, Favre et Thiers et proposa la résolution suivante :
« Vu la vacance du pouvoir, la Chambre nomme une commission de gouvernement et de défense nationale. Cette commission est composée de cinq membres choisis par le Corps législatif. Elle nommera les ministres.
« Dès que les circonstances le permettront, la nation sera