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MANNING

II.[1]
LES ANNÉES CATHOLIQUES (1851-1892)


I

A 44 ans, après dix-huit ans de ministère, onze ans dans les dignités de l’Eglise anglicane, Manning se retrouvait seul, hors cadre, dépouillé, sans fonctions, sans amis, presque sans relations. Dans ces douloureuses expériences, il crut voir un avertissement de Dieu contre les attachemens humains : il se mit en garde contre les affections exclusives. Ce n’était certes pas que les sources de l’amour fussent taries dans cette âme, où nous les verrons plus tard jaillir assez abondamment jusqu’au soir de sa vie. Détaché des affections purement humaines et terrestres, il n’avait pas encore trouvé dans la pratique de la charité héroïque ou surnaturelle l’emploi de sa force d’aimer. Ce qui dominait toutefois en lui, c’était la joie, une joie céleste, l’allégresse d’une âme inondée par les flots de la grâce enfin sans obstacles.

Sa vocation sacerdotal n’avait pas subi l’ombre d’une hésitation. Moins de dix semaines après son abjuration, le dimanche de la Trinité, le cardinal Wiseman l’ordonna de sa propre main dans sa chapelle particulière, et le lendemain Manning, rapidement initié par le Père Faber, de l’Oratoire, à ce cérémonial qu’il ne sut jamais à fond, célébrait sa première messe à l’église des

  1. Voyez la Revue du 1er mai.