toute-science, mais façonnée aux méthodes sévères de la science et de la critique, ce n’est point un christianisme au rabais, ravalé au niveau d’une morale ou d’une philosophie humaine, c’est le christianisme des apôtres et des saints, c’est la folie de la croix, c’est le scandale de l’Evangile avec sa révélation et ses miracles, c’est l’Eglise, maîtresse de foi et dompteuse d’erreurs. Pour Manning, le catholicisme, qui offrira un refuge et un port à une génération ballottée sur un océan sans rivage et sans fond, lasse de tout et surtout d’elle-même, ce n’est pas un catholicisme mitigé, édulcoré, revu et corrigé ad usum Delphini, réduit aux sonores inanités du Génie du Christianisme, prêt à toutes les transactions avec l’Etat ou avec la raison : c’est le catholicisme des grands papes et des grands moines ; le catholicisme de l’unité, de l’autorité, de l’infaillibilité ; le catholicisme de Joseph de Maistre ou du premier Lamennais. L’humanité, suivant une belle parole, n’est satisfaite que par ce qui la dépasse : elle n’accepte que ce qui s’impose à elle ; elle ne s’incline que devant ce qui commande avec autorité. Après tout, ce n’a jamais été la méthode du christianisme de s’adresser à la raison toute seule pour la convaincre. Il a toujours fallu s’élever au-dessus de la région des nuages, des doutes, des divisions, des malentendus, des orages, monter sur les sommets de la foi et des certitudes divines pour atteindre la zone des sources pures et des vastes horizons. Manning détestait cette mensongère largeur qui, sous prétexte de faciliter l’accès de la cité de Dieu, en détruit les remparts et en livre les portes à l’ennemi. A ses yeux il était des étroitesses sacrées, des attachemens à des causes impopulaires, qui sont la condition même de la vraie largeur.
Telle est la raison profonde de l’espèce de dualisme que l’on a cru pouvoir signaler dans sa carrière épiscopale. Il n’y a point eu là de contradiction, surtout rien qui ressemble à la diplomatie d’un homme d’Eglise essayant de racheter par l’exagération de ses avances à la démocratie laborieuse l’excès de son dévouement à la papauté. Les deux parties de cette vie se tiennent comme la racine et la tige, comme l’arbre et le fruit. Il a fallu d’abord affirmer hautement un dogmatisme intransigeant, le faire triompher dans l’Église, au risque de se brouiller peut-être irrémédiablement avec l’opinion, avant d’apporter à une société malade les promesses et les consolations d’un catholicisme libérateur.
Déjà alors, le rétablissement de l’unité dans la chrétienté était à l’ordre du jour. Le scandale de ces divisions préoccupait à juste titre les disciples du maître qui a dit : un seul troupeau, un seul berger. Une société s’était fondée en 1857 pour travailler par la prière à la restauration de l’unité. A côté de deux cents