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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/40

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poste de sous-aumônier de la reine, que son beau-frère, Samuel Wilberforce, venait de quitter pour devenir évêque, et qui était le premier degré de l’échelle des dignités. Il le refusa après avoir sondé sa conscience à fond et examiné ses motifs à la loupe. C’est bien le même homme qui, apprenant la promotion à l’épiscopat d’un ami, qui trahissait du coup la cause de la vérité et restait anglican en devenant évêque, remercia Dieu de lui avoir épargné l’épreuve de cette tentation.

Dieu, en effet, le conduisait par d’autres voies. Une grave maladie, qui le tira de force de ses occupations et le plaça en face de la mortel des réalités éternelles, au printemps de 1847, fut pour lui un renouveau spirituel. Il se livra à une minutieuse enquête morale, il pesa ses motifs, ses actions, ses pensées, ses prières même, à la balance du sanctuaire, et il se consacra plus complètement à Dieu. Son journal intime de cette période est un long et mystique entretien de son âme avec le Christ. Il a lui-même daté de cette crise, pendant laquelle il eut encore la douleur de perdre sa mère, sa conversion jadis ébauchée sous l’influence de l’évangélique miss Bevan.

Ce qu’il y eut de remarquable dans cette évolution, c’est que le renouvellement de la foi et de la piété de Manning fut étroitement associé à sa conviction grandissante de la vérité du catholicisme. Comment douter que l’appel qu’il entendait toujours plus pressant vers Rome vînt du ciel même, quand il se sentait de plus en plus en communion avec le Christ ? Lui qui détestait la controverse, qui avait signalé à plusieurs âmes engagées dans la même voie que la sienne le danger de négliger les moyens de grâce élémentaires et suffisans, dans sa propre Église, pour rechercher orgueilleusement un idéal ecclésiastique lointain, il constatait que, pour sa conscience altérée, c’était aux pieds de la Chaire de saint Pierre et du vicaire de Jésus-Christ que jaillissaient les sources de la vie éternelle. Désormais, son catholicisme n’était plus une tentation, il était une religion ; il n’était plus une théorie, il était une réalité ; et l’âme tout entière, non plus la raison ou l’esprit seul, on recevait l’empreinte.

Au sortir de cette longue retraite, pendant laquelle il lui parut que Dieu le sevrait de tout pour le posséder tout entier et être sa seule possession, ses médecins l’envoyèrent sur le continent. Il y passa l’été de 1847 et les six premiers mois de 1848, surtout à Rome. Ce voyage fut proprement un cours d’ecclésiologie et de catholicisme pratique. Manning obéissait aux principes de l’école d’Oxford en hantant sur le continent les églises catholiques. Les Tractariens, fidèles à la théorie d’après laquelle l’anglicanisme était une branche de l’Église universelle, auraient