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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/448

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point étonnée qu’une sotte et une bégueule, qui n’a de principes que sa prétention du moment, dise des absurdités et fasse des inconséquences. »

Mme du Barry a essayé de faire venir la Cour, au moins par curiosité, dans le pavillon de Versailles, qu’elle vient de faire construire sur l’avenue de Paris, et où elle a donné une fête merveilleuse. L’argent a été dépensé à pleines mains, sans crainte d’insulter à la misère publique ; il y a eu des ballets, des comédies, des divertissemens composés par l’abbé de Voisenon, enfin un bal auquel il ne manquait que des danseuses. Pour quatre spectacles et cent comédiens, la favorite a réuni chez elle quatorze dames ! La fête donnée pour elle par le duc d’Aiguillon, dans l’espoir d’augmenter le nombre de ses liaisons, a eu un échec presque aussi décourageant. Les étrangers restent étonnés de cet ostracisme persistant et plus encore de l’aveuglement de Louis XV devant une opinion aussi décidée, car le croquis pris sur le vif par Mme de la Marck est toujours exact : « Je fus hier à Marly, où le Roi est depuis huit jours. On jouait au lansquenet ; une seule réjouissance fut de douze cents louis, et tout le monde meurt de faim ! Mme du Barry jouait à la table du Roi entourée de la famille royale. Personne, ni à la table, ni dans le salon, ne lui parla de la soirée, si ce n’est le Roi et son neveu, le petit du Barry. Ce courage général devrait ouvrir les yeux du roi. »

L’introduction à la Cour d’une nouvelle du Barry est le signal d’une recrudescence d’hostilités féminines. Une fille pauvre du Vivarais, de très noble sang et belle à ravir, Mlle de Tournon, épouse, en juillet 1773, ce vicomte Adolphe du Barry, fils du Roué, dont parlait Mme de la Marck. Le Roi et toute sa famille signent au contrat ; Marie-Antoinette a dû signer aussi, et son nom précède de quelques lignes, sur la même page, celui de la favorite ; c’est une secrète irritation, dont elle se promet vengeance en humiliant à son tour la tante et la nièce. Le jour de la présentation de la jeune vicomtesse, jour qui rappelle, par l’encombrement des galeries et la curiosité malveillante de Compiègne, un jour fameux dans l’histoire de la comtesse, la Dauphine les reçoit toutes les deux sans leur parler, et adoptant pour une fois l’usage taciturne de Mesdames, se borne à répondre à leurs révérences. Le Roi, paraît-il, n’a rien dit non plus, ce qui est un beau prétexte pour faire de même. Quant au Dauphin, il causait dans l’embrasure d’une fenêtre, lorsque est arrivée la présentation ; il a détourné à peine la tête et a continué à parler et à jouer de l’épinette sur la vitre. Le soir, au jeu de la Dauphine, le lendemain matin, à sa toilette, où les mêmes dames viennent faire