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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/447

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M. de Cossé. Celui-ci exige de sa femme, par lettre, des réparations pour Mme du Barry : la duchesse répond que rien ne l’y peut obliger et qu’elle préfère remettre la démission de sa charge. Sans avoir peut-être l’aveu formel de sa jeune maîtresse, l’aimable Cossé est sûre que ces bravades ne sont pas pour lui déplaire.

Les principes de conduite de la dame d’atours lui permettent de donner un exemple que suivent, avec plus d’aigreur et moins d’autorité, des femmes moins irréprochables qu’elle. Il faut bien qu’on sente l’affaiblissement du Roi et l’appui tacite de la famille royale pour se permettre les mauvais procédés dont on irrite sans cesse la pauvre comtesse. Elle paye chèrement, dans le milieu où l’on se refuse à l’accepter, le pouvoir occulte, presque absolu, dont elle jouit dans les cabinets. Les femmes les plus affichées médisent à l’envi de ses mœurs, et les plus laides aiment à l’appeler « la guenon ». Le plus grand nombre continue à ne lui point parler. C’est une par une seulement que se comptent les défections, accueillies avec empressement dans l’intérieur du Roi, moquées au dehors de façon assez dure pour décourager les ambitieuses. Écoutons Mme du Deffand raconter à Chanteloup celle de la brillante comtesse de Forcalquier, la « bellissima », conquise enfin par la duchesse d’Aiguillon : « Mme de Caraman envoya chez moi me dire de deviner quelle était la nouvelle dame que Mme d’Aiguillon avait menée la veille à Choisy. Je dis d’abord : Ce ne peut être Mme de Forcalquier. — Pardonnez-moi, me dit-on, c’est elle. Je fis prier Mme de Caraman de venir prendre le thé chez moi et de me raconter tout cela ; elle y vint et me dit qu’ayant soupe la veille chez Mme de la Vallière, il y était venu plusieurs personnes successivement qui avaient dit que cette dame était à Choisy. Mme de la Vallière voulut le nier… et consentit à croire qu’elle y était allée, mais seulement pour la comédie où devait jouer la nouvelle actrice, et qu’elle l’aurait vue dans une loge grillée. — Non, non, madame, elle y doit souper. — Souper ! ah ! je suis bien sûre que non ; je sais ce qu’elle pense et je parierai contre qui voudra. — Ne pariez point, madame, rien n’est plus certain… La dame n’y a point couché, mais elle y couchera ; elle ne s’est pas engagée à être de tous les voyages, ce n’est pas une femme de tous les jours. Il y avait huit dames à ce souper, quatre de chaque côté, l’une à côté de l’autre : à la droite, madame la comtesse, mesdames d’Aiguillon, de Forcalquier et de Mazarin… » Mme de Forcalquier est payée, suivant l’usage, et nommée dame d’honneur de la future comtesse d’Artois ; mais tout le monde lui fait mauvaise mine, et Mme de Choiseul, une ancienne amie, l’exécute en quelques mots secs : « Quant à Mra0 de Forcalquier, je ne suis