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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/452

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enfans à la soumission complète à ses volontés. M. de Mercy, qui tient maintenant à son d’Aiguillon et à sa du Barry, l’Autriche ayant besoin de complaisances du côté des affaires turques, ne cache point ses vœux pour le succès des combinaisons du ministre. Mais on a compté sans l’obstination de Marie-Antoinette ; elle devine, dans le brusque changement de sa tante, une intrigue de M. d’Aiguillon. Toute la famille se révolte avec elle ; le Dauphin déclare qu’il met son devoir à ne laisser approcher de sa femme aucun scandale ; Madame Victoire reproche à sa sœur aînée de parler sans mandat au nom de tous, et de mettre leur honneur au prix d’un marché particulier de sa dame d’atours. Madame Adélaïde abandonne ses projets ; Mme de Narbonne dit à d’Aiguillon de n’y plus compter ; celui-ci entre en colère, se déclare trahi, va faire chez la favorite une scène de plaintes inutiles. Le roi, qui avait espéré le voir réussir, lui tourne le dos, et le public, qui savait la petite intrigue, le raille d’en avoir triomphé trop tôt.

Telle fut la dernière tentative de Mme du Barry pour entrer en grâce auprès d’une famille dont elle ne comprenait pas qu’elle fût haïe. L’autorité de plus en plus grande qu’y prenait Marie-Antoinette montre bien que ce fut elle qui démasqua le plan du duc d’Aiguillon. À cette date, dit le duc de Croy, « Madame la Dauphine menait tout dans cet intérieur-là. » L’entourage du ministre put prévoir dès lors quel sort l’attendait si elle devenait reine, et qu’un de ses premiers actes politiques serait d’exiger que l’ami de la favorite fût exilé comme l’avait été Choiseul. Quant à Mme du Barry, elle savait d’avance qu’elle serait frappée plus vite encore, et que le nouveau roi chasserait, le jour même, de la Cour, pour ne les y plus laisser reparaître, tous ceux qui portaient le nom exécré, le nom de la honte suprême de son grand-père.


PIERRE DE NOLHAC.