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de son esprit politique ? Et, dans le cas contraire, que faut-il penser de lui ?

Nous aurions tort, toutefois, d’éprouver et d’exprimer des craintes au sujet du pays, car, depuis quelques semaines, il a multiplié les preuves de sagesse et de bon sens. On n’a pas oublié les votes des conseils généraux : par eux, le pays a dit ce qu’il pensait de l’impôt sur le revenu. Il vient de donner une consultation nouvelle, d’autant plus importante qu’elle a été directe, et qu’elle s’est produite dans les trente-six mille communes de France. Les radicaux socialistes, sans prendre le temps de connaître le résultat des élections municipales, avaient annoncé avec une superbe confiance qu’il était tout en leur faveur. Ils continuent de le répéter aujourd’hui, sachant que de toutes les figures de rhétorique la répétition est celle qui exerce, à la longue, le plus d’influence sur les esprits. D’ailleurs, comment contrôler leur dire ? Il n’est pas facile de voir clair dans une telle multitude de scrutins, et c’est à peine si, jusqu’à ce jour, le ministère de l’Intérieur a pu débrouiller ce qui s’est passé dans les chefs-lieux d’arrondissement. Au moment où nous écrivons, sur 359 chefs-lieux d’arrondissement, voici comment les scrutins se décomposent. Dans 238 chefs-lieux, la majorité appartient aux républicains qui n’éprouvent le besoin de s’affubler d’aucune épithète particulière, et ils ont la totalité des sièges dans 77. Dans 66 chefs-lieux, la majorité appartient aux radicaux, et dans 27 ils ont la totalité des sièges. Dans 15 chefs-lieux, la majorité appartient aux radicaux-socialistes, et dans 7, aux socialistes purs. Les ralliés, que nous considérons comme des républicains, n’ont la majorité que dans 3 chefs-lieux d’arrondissement, et les membres de la droite l’ont dans 18. Voilà le bilan : il pourrait être meilleur sans doute, mais il n’est pas fait pour décourager. Si la même proportion se maintient pour l’ensemble des communes, — et tout porte à croire que, dans le cas où elle ne se maintiendrait pas, c’est que nos communes rurales auraient nommé un plus grand nombre de modérés ; le socialisme a encore fait peu de ravages dans les campagnes, — si la même proportion se retrouve lorsque nous ferons le total des scrutins, nous demanderons aux radicaux et aux socialistes ce qui les autorise à prétendre qu’ils ont remporté une grande victoire, et que cette victoire influera prochainement sur la composition du Sénat. On sait que les délégués des conseils municipaux forment la grande majorité des électeurs sénatoriaux. Tout porte à croire, contrairement aux affirmations radicales et socialistes, que les futures élections sénatoriales ressembleront beaucoup aux anciennes. La vérité, en effet, autant qu’on peut la dégager de cet immense pullulement de scrutins, est qu’il n’y a rien de changé en France. On peut relever quelques modifications particulières, soit sur un point, soit sur un autre, mais elles se compensent, et elles se