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LE RÈGNE DE L'ARGENT

VII.[1]
L’INTERNATIONALE DE L’OR ET LA « BANCOCRATIE »

En quel sens le capital est cosmopolite, et quelles sont les causes et quels sont les effets de cette sorte de cosmopolitisme, nous avons essayé de le montrer dans notre dernière étude. On a vu que cet internationalisme financier, si bruyamment dénoncé à la haine des peuples, n’était pas le fait de la haute banque, mais le fait même de la civilisation.

Au cosmopolitisme financier s’allie, dans l’imagination des foules, ce que les pédans appellent « la bancocratie », forme nouvelle de la ploutocratie. Nous l’avons dit, les modernes barons de la finance, qui étendent leurs opérations sur le globe entier, prêtant aux rois et aux peuples, apparaissent de loin, au populaire comme les maîtres des sociétés contemporaines. Ce siècle vieilli dans le culte de l’or, ce siècle matérialiste et jouisseur s’est fait, de l’humanité et de la vie publique, une opinion digne de lui. L’or est le souverain de l’époque, il s’est assujetti les nations et les gouvernemens ; la haute banque tient dans sa dépendance, avouée ou secrète, monarchies et républiques. Autrefois, l’empire était au courage, à la lance, aux bons coups d’épée ; aujourd’hui, il est. à l’argent, à la Bourse, à la spéculation. Les peuples ne sont plus à conquérir, ils sont à vendre. L’or a succédé au fer, et le chèque a

  1. Voyez la Revue des 15 mars, 15 avril, 15 juin 1894, 15 février et 15 mai 1895, 15 avril 1896.