Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait dénoué tous les liens qui rattachaient à cette Église, tendrement aimée, fidèlement servie. Ce temps de retraite, il l’avait passé dans la lecture du bréviaire, l’initiation à ces beautés spirituelles de la liturgie qui avaient calmé et purifié son âme. Une dernière fois, il alla s’agenouiller à côté de M. Gladstone, dans une Eglise anglicane, dans cette petite chapelle de Buckingham Palace Road et, se relevant quand le service de communion commença, il dit à son compagnon attristé : « Je ne peux plus communier dans l’Église d’Angleterre. »

Le 6 avril 1851, cinquième dimanche de carême ou de la Passion, Manning et son ami Hope Scott, qui s’étaient promis de marcher la main dans la main, firent abjuration, se confessèrent, firent leur profession de foi, reçurent le baptême sous condition et l’absolution des mains du R. P. Brownhill dans l’église de Hill Street. Le dimanche des Rameaux qui suivit, le cardinal Wiseman en personne les confirma et leur donna la communion dans sa chapelle privée.

C’était la fin d’une vie. Manning croyait que c’était même la fin de sa vie ou du moins de toute activité publique pour lui. Il avait bien, sans la plus légère hésitation, résolu de se faire ordonner prêtre ; mais là s’arrêtaient ses vues, il pensait vivre et mourir, dans une tranquille et douce obscurité, à l’ombre du sanctuaire. Il avait enfin, après tant d’orages, trouvé la paix, ainsi que l’atteste cette lettre : « Je sens que je n’ai point d’autre désir à former que de persévérer dans ce que Dieu m’a donné pour l’amour de son fils. Quelle issue bénie ! Comme l’âme le dit à Dante : E de martirio venni a questa pace ! » Le Times ayant cru pouvoir annoncer en 4852 son retour à l’anglicanisme, il lui écrivit : « J’ai trouvé dans l’Eglise catholique tout ce que je cherchais, plus même que je n’aurais été capable de concevoir, tant que je n’étais pas dans son sein. »

Manning n’était pas de ceux qui retournent en arrière ou de ceux qui, la vérité une fois connue et embrassée, s’endorment dans une lâche et égoïste oisiveté.


FRANCIS DE PRESSENSE.