partir de ce jour, le ton adopté par M. Chamberlain dans ses rapports avec M. Kruger et son gouvernement s’est modifié d’une manière sensible ; il a pris le caractère d’une supériorité très accusée ; il a cessé d’avoir cet air de condescendance amicale qui convient pourtant si bien à une grande nation à l’égard d’une petite, au ministre d’un puissant empire envers le chef élu d’un pays de médiocre étendue, mais néanmoins indépendant. Sans doute les négociations poursuivies départ et d’autre ne marchaient pas au gré de M. Chamberlain. Il s’était un peu trop pressé d’annoncer que le président de la République transvaalienne se rendrait à Londres pour régler définitivement les difficultés pendantes entre les deux pays. M. Kruger ne s’y refusait pas en principe ; il se montrait au contraire disposé à donner à M. Chamberlain cette satisfaction ; mais, en homme prudent, il se rendait compte qu’une pareille démarche de sa part devait avoir pour objet de consacrer un accord déjà établi, et non pas d’en discuter et d’en fixer les bases. M. Chamberlain a déclaré depuis au parlement que les prétentions du Transvaal avaient été inadmissibles, et il en a manifesté sa mauvaise humeur en retirant l’invitation qu’il avait adressée à M. Krüger. Ce retrait était inutile, puisque M. Kruger n’était rien moins que disposé à se rendre à l’invitation du gouvernement britannique, dans les conditions où elle lui avait été faite : il signifiait seulement que les négociations étaient rompues, ou du moins interrompues. Il y a eu là, pour la politique de M. Chamberlain, un échec provisoire peut-être, réparable sans doute, mais incontestable. Les exigences de M. Kruger étaient, dit-on, considérables, et cela est vrai. D’après les livres bleus, il aurait voulu que l’Angleterre renonçât à la convention de Londres qui établit, en ce qui concerne sa politique extérieure, une certaine dépendance du gouvernement du Transvaal ; il réclamait de plus une indemnité pour le tort qui avait été causé à la république. Quant aux réformes demandées par M. Chamberlain au profit des uitlanders, et cela en termes de plus en plus pressans, M. Kruger se montrait fort réservé, non pas sans doute qu’il n’eût pas l’intention d’en faire, mais parce qu’il ne voulait les promettre que moyennant certaines satisfactions ou garanties. De part et d’autre, la situation est devenue rapidement de plus en plus tendue. Peut-être, à mesure qu’elle le devenait davantage, M. Kruger a-t-il mieux aperçu les inconvéniens de son voyage à Londres. Certaines choses ont pu légitimement le froisser, par exemple l’accueil fait à Jameson par une partie considérable de l’opinion anglaise, et aussi les interminables lenteurs de son procès. Le procès des conspirateurs de Johannesburg a été mené beaucoup plus vite, et il a abouti à une sentence de mort contre quatre des principaux conjurés. Ils seront graciés, c’est entendu, ou du moins ils bénéficieront d’une commutation de peine ; mais la sévérité de la sentence montre la
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