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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/558

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qui semble à peu près enrayée aujourd’hui[1]. Ils sont chrétiens, s’habillent pour la plupart à l’européenne ; leurs enfans fréquentent les écoles ; presque tous savent lire et écrire en maori, et le plus grand nombre parlent aussi l’anglais. On n’en voit presque pas dans les villes de la côte ; mais lorsqu’on parcourt l’intérieur de l’île du Nord, leurs villages, semés de loin en loin sur les pentes des collines, sont à peu près les seules habitations qu’on rencontre. Ils vivent par petites agglomérations dans des cabanes spacieuses, à doubles parois de joncs, maintenues par des cadres en planches, surmontées d’un toit à double pente ; le faîte en est à huit ou dix pieds de hauteur, mais il descend sur les côtés à trois ou quatre pieds du sol, et forme en avant de l’entrée un auvent où les Maoris se tiennent le plus souvent. Les indigènes n’ont pas à se plaindre de la domination anglaise : ils possèdent plus de deux millions et demi d’hectares de terres dont beaucoup sont, il est vrai, situées dans les sols pauvres du centre de l’île du Nord. La plus grande partie de ces terres est la propriété collective des tribus qui se font des revenus importans en les louant aux Européens. La propriété individuelle existe pourtant aussi chez les Maoris, et la cour de justice spéciale qui s’occupe des questions relatives aux terres des indigènes a plusieurs fois, à leur demande, divisé certaines propriétés des tribus entre leurs membres. Cependant l’idée de la communauté des biens reste encore fortement enracinée : un journal néo-zélandais racontait, pendant mon séjour, qu’un Maori s’étant avisé d’organiser un service de voitures entre une petite ville et la gare voisine, tous les indigènes de sa tribu se crurent aussitôt le droit de s’en servir gratis et, lorsqu’il leur demandait le prix de leur place, ils lui répondaient que, s’ils devaient payer, ils pouvaient tout aussi bien se servir de la voiture des Pakehas (Européens). Devant cet état d’esprit, notre homme dut renoncer à son entreprise.

Les Maoris sont représentés au parlement de la Nouvelle-Zélande par quatre députés élus au suffrage universel, qui ont tous les droits de leurs collègues blancs. L’un d’eux, M. Hone Heke, est même l’orateur le plus disert de toute rassemblée et fort populaire parmi les colons. Les Anglais n’ont aucun préjugé de couleur contre les indigènes, et les coudoient partout sans répugnance. D’après le dernier recensement, 250 Européens

  1. Les recensemens donnent, pour les Maoris depuis vingt ans, les chiffres suivans : 45 470 en 1874 ; 43 595 en 1878 ; 44 097 en 1881 ; 41 969 en 1886 ; 41 993 en 1891. Les chiffres de 1876 et 1878 doivent être considérés comme seulement approximatifs et sans doute un peu inférieurs à la réalité, la sécurité n’étant pas encore bien établie à cette époque. 39 535 Maoris habitent l’île du Nord.