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céréales, un peu de vignes, des vergers ; aux gares, de paisibles agriculteurs un peu lourds. C’est ainsi, avec un peu plus d’animation, que devaient être les environs de Sydney il y a cinquante ans. Nous passons bientôt à la bifurcation de la ligne des champs d’or ; là presque tous mes compagnons de route, arrivés avec moi des colonies de l’est, descendent : ils vont attendre pendant deux heures assis sur leur bagage, car l’installation est des plus sommaires, le train qui se dirige vers les régions minières. Quant à moi, je veux d’abord jeter un coup d’œil sur Perth, la capitale de la colonie, et je reste dans le train qui s’y dirige à travers d’épaisses forêts de jarrah, le plus précieux des eucalyptus par son bois de construction, rouge et très dur, qui croît sur toute la côte occidentale d’Australie dans le voisinage de la mer.

Une petite ville poussiéreuse de 10 000 habitans à peine, bâtie en pente douce sur le bord de la jolie rivière des Cygnes, qui forme un lac peu profond de 1500 mètres de large, voilà la modeste capitale de l’Australie de l’ouest. Les maisons sont petites, les rues médiocres et l’on s’étonne de voir un superbe hôtel de ville, digne d’une cité dix fois plus importante : c’est l’œuvre des convicts dont on aperçoit encore, à l’extrémité de la principale rue, l’ancien pénitencier. Cette rue commence à se border de quelques édifices importans — succursales de banques, sièges de sociétés minières, car Perth est en voie de transformation ; mais le malheur de cette ville, c’est d’être à trois lieues de la mer, sur une rivière sans profondeur — et de n’avoir pour port que la rade foraine de Fremantle, ouverte à toute la violence des vents d’ouest. C’est encore une autre petite ville de 6 000 âmes, en voie d’accroissement assez rapide comme la capitale, et rêvant de hautes destinées. Peut-être s’accompliront-elles, peut-être au contraire Fremantle et Perth retomberont-ils dans la médiocrité, car il y a sur la côte sud un port naturel, Espérance Bay, plus voisin des champs d’or et qui ne demande qu’à y être relié par un chemin de fer. Le jour où il serait construit, c’en serait fait de l’avenir de la capitale et de son port.

Lorsqu’on a passé deux jours à Perth, on en a épuisé toutes les curiosités et il est temps de se diriger vers le vrai centre d’activité de l’Australie de l’ouest, vers Coolgardie, la capitale des champs d’or. On y arrive aujourd’hui en chemin de fer. À la fin d’octobre dernier la voie ferrée n’était pas terminée et ce trajet de 600 kilomètres durait cinquante heures. Nous partons de Perth à midi, dans un train dont les wagons, de seconde classe surtout, sont bondés de chercheurs d’or, et qui, après avoir traversé de nouveau des forêts de jarrah, puis quelques cultures, s’élève