La première étape n’est pas longue : on s’arrête pour passer la nuit dans une auberge de tôle, qui offre aux voyageurs une quinzaine de lits, dans cinq ou six petites chambres. Tout près est une grande citerne de vingt pieds de profondeur, au pied d’un fort massif de rochers granitiques, entouré de rigoles qui recueillent l’eau de pluie tombée sur les rochers et l’amènent au réservoir. Ces gibbosités arrondies de granit, qui se rencontrent de place en place dans toute l’Australie de l’ouest, sont à peu près les seuls points où l’on trouve de l’eau douce ; lors même qu’on n’a pas creusé de citernes auprès, il reste souvent de petites mares dans les creux des rochers. Ici, c’est tout un campement : sous une douzaine de camions dételés dorment de nombreux « prospecteurs », fatigués de leur marche et qui vont repartir avant le jour pour, éviter la grande chaleur de midi. Nous en avons dépassé toute la journée, nous en rencontrerons encore demain plus d’une centaine, avant d’arriver. La diligence est un mode de transport fort dispendieux : il en coûte 75 francs pour aller de Boorabbin à Coolgardie ; il est plus économique de prendre un des camions qui portent les marchandises ; encore ne sont-ce guère que les femmes et les enfans que la marche fatiguerait trop qui voyagent ainsi. Les hommes vont à pied : couverts d’une épaisse couche de poussière rouge-brun, le visage protégé par un voile contre les mouches, si insupportables dans ce pays, ils trouvent dans leurs rêves dorés, dans les châteaux en Espagne qu’ils se bâtissent, la force de supporter le soleil, la soif, toutes les fatigues de cette pénible marche sur la piste sablonneuse, dont il faut se garder de s’écarter pour chercher de l’ombre : on vient, il n’y a pas huit jours, de retrouver le cadavre d’un homme ainsi égaré, et qui est mort de soif au milieu de ce désert couvert d’arbres où il est presque impossible de s’orienter.
Encore huit heures de coach le matin dans la maigre forêt d’eucalyptus jusqu’à Coolgardie, avec deux ou trois haltes à des auberges en toile, où l’on vend d’abominables liquides. Nous dépassons toujours des chercheurs d’or, des camions, et à deux reprises des caravanes de cinquante chameaux, qui s’avancent en file indienne, lourdement chargés, la tête de l’un attachée à la queue du précédent. Enfin voici au milieu des arbres de nombreuses baraques en toile : c’est un faubourg en formation de Coolgardie : on sort du bois et l’on débouche dans la grande rue de la ville, Bayley-Street, qui porte le nom de l’heureux auteur de la découverte de l’or dans cette partie de l’ouest australien.
Elle ne date que de la fin de 1892 ; aussi Coolgardie est encore tout à fait dans l’enfance. En allant de la périphérie vers le centre,