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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/715

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lui-même, mais qui a eu le double défaut d’être tardif et de n’être pas complet. Nous n’avons rien à y reprendre : tout au plus aurions-nous voulu y ajouter. M. Barthou a eu parfaitement raison de changer le préfet du Tarn, nommé par M. Bourgeois pour donner satisfaction à M. Jaurès, député de Carmaux, et il a mieux fait encore on attribuant un avancement mérité à M. Doux, l’ancien préfet que M. Bourgeois avait déplacé et presque disgracié, toujours pour être agréable à M. Jaurès. On comprend que celui-ci ne soit pas content : aussi a-t-il annoncé tout de suite à M. Barthou l’intention de l’interpeller. S’il y a une interpellation qui ne doive pas inquiéter un ministre, à coup sûr c’est celle-là, et c’est probablement celle-là même que M. Barthou aurait choisie pour faire ses débuts à la tribune comme ministre de l’intérieur, si on lui en avait donné le choix. Les débats qui vont se produire fourniront tout de suite au gouvernement l’occasion d’exposer et de préciser sa politique : il pourra s’expliquer à fond, et ce sera tant mieux pour lui et pour nous. Puisqu’il n’a pas su profiter des vacances pour dégager sa politique des ombres qui l’enveloppent encore, il faut bien que la Chambre l’invite et le décide à le faire. Nous aurions préféré quelque chose de plus hardi et de plus spontané ; mais enfin rien n’est compromis, loin de là ! et d’ici à peu de jours les indications encore insuffisantes qui nous ont été données seront certainement complétées.

Au reste, ce ne sont jamais les interpellations qui menacent sérieusement un ministère le lendemain même de sa naissance : elles lui donnent plutôt un coup de fouet salutaire, et dont il a quelquefois besoin. La grande et vraie bataille contre le cabinet Méline se livrera sur le même terrain que contre le cabinet Bourgeois, c’est-à-dire sur le terrain financier. Avant de se séparer, la Chambre devra voter les quatre contributions directes, et elle verra de nouveau se dérouler et s’agiter devant elle les questions redoutables qui se rattachent à l’impôt sur le revenu ou sur les revenus, avec toutes les complications qu’elles renferment. La clé de la situation est entre les mains de M. Georges Cochery. Quel projet de budget apportera-t-il à la Chambre ? Personne n’en sait rien ; c’est à peine si on commence à s’en douter, mais les notes communiquées aux journaux ne permettent pas encore de porter un jugement. La Commission du budget est réunie depuis huit jours ; elle a nommé son président ; il lui a été impossible de commencer ses travaux. Tout en regrettant ce retard, nous n’en faisons pas un grief au ministère. Il a raison de ne pas s’embarquer à la légère sur une mer aussi dangereuse. Quoi qu’il fasse, ou plutôt quoi qu’il propose, il subira de la part de ses adversaires les assauts les plus furieux. La question la plus délicate qui se présente à lui en ce moment est de savoir s’il y a lieu, ou non, d’établir un impôt sur la rente. Ne faisant pas ici œuvre dogmatique, nous attendrons