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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/717

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deux grandes réformes auxquelles le chef du parti radical réduit pour le moment son programme. Il avait proposé la seconde pendant qu’il était au pouvoir ; il n’a eu l’idée de la première que depuis qu’il en est tombé, et parce qu’il en est tombé. S’il y revient, ce sera désormais pour les réaliser l’une et l’autre. Mais cela ne nous apprend rien ; M. Bourgeois avait déjà exposé les mêmes idées. Il s’était aussi prononcé à plusieurs reprises contre le collectivisme ; il l’a fait une fois de plus ; seulement il n’avait pas encore expliqué d’une manière aussi claire que, s’il y a des collectivistes, et s’il est obligé de s’appuyer sur eux et de leur faire des concessions bien qu’il ne partage pas leurs idées, c’est parce qu’un certain nombre d’hommes politiques ont « peur d’être troublés dans leur égoïsme ». M. Bourgeois a opposé cette affirmation à celle de M. Deschanel qui avait éloquemment signalé, comme le mal dont souffrent souvent et dont meurent quelquefois les démocraties, la peur pour les hommes politiques de ne point paraître assez avancés. Entre les deux formules, on jugera quelle est la plus vraie, et aussi celle qui dénote la portée d’esprit la plus élevée. Tel a été le discours de Melun. Quelques journaux, même parmi les modérés, ont affecté de croire que l’orateur était revenu à des sentimens plus sages, et qu’il y a eu dans son langage une atténuation sensible de celui qu’il avait tenu auparavant. Cela prouve qu’on voit et qu’on entend ce qu’on veut. M. Bourgeois est aujourd’hui ce qu’il était hier, le chef du parti radical socialiste, qu’il aime mieux appeler progressiste démocratique : simple question de mots. L’importance de son discours n’est pas dans le discours lui-même, mais dans l’intention qui l’a inspiré. Nous avons déjà signalé l’impatience de M. Bourgeois, qui, le lendemain même de sa chute, a pris une allure toute militante, tandis que ses prédécesseurs, renversés comme lui, avaient cru devoir se condamner à une retraite plus ou moins longue. Nous l’en avons approuvé et nous l’en approuvons encore. Il a dit lui-même que la concentration républicaine était morte, et qu’il y avait désormais deux partis vivans et opposés dans la république. Entre l’un et l’autre, la lutte doit être de tous les momens. C’est aussi notre avis. M. Bourgeois ne désarme pas ; il continue d’agir pendant que les modérés, satisfaits de leur victoire, croient pouvoir se reposer ; il parle pendant que le gouvernement se tait. Non seulement nous l’en félicitons, mais nous l’en remercions, car il nous rend service. Son attitude empêchera sans doute le centre de s’endormir dans une fausse sécurité.

En sera-t-il de même de celle que vient de prendre aussi M. le duc d’Orléans ? A la date du 3 mai dernier, le jeune prince a adressé de Villamanrique une lettre au président du Comité central royaliste de Paris. Après l’avoir lue, M. le duc d’Audiffret-Pasquier a donné sa démission, ce qui prouve que l’unité la plus parfaite n’existe pas entre M. le duc d’Orléans et tous ses conseillers. Que s’est-il passé au juste