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dans le sein du parti royaliste ? Nous l’ignorons. Un grand mystère règne le plus souvent sur les délibérations du comité ; mais, comme il arrive presque toujours en cas de désaccord trop accentué, des indiscrétions ont été commises. Le public a été mis dans la confidence au moins partielle de ces incidens, et M. le duc d’Orléans, pour prévenir des commentaires mal éclairés, a jugé à propos de Livrer sa lettre aux journaux. On avait parlé d’un parti des jeunes, et par conséquent d’un parti des vieux : peut-être ces expressions ne sont-elles pas parfaitement exactes, car l’esprit d’aventure ou l’esprit de prudence ne sont pas toujours affaire d’âge. M. le duc d’Orléans fait allusion à ses « jeunes amis des groupes ouvriers » ; mais il semble bien que le plus jeune de tout son parti soit encore lui-même, et sa lettre porte les caractères d’une humeur inquiète plutôt que réfléchie, à laquelle nous n’étions pas habitués. Les prétendans s’étaient montrés plus réservés depuis quelques années. Il est vrai que cela ne leur avait pas réussi, et c’est probablement pour ce motif que M. le duc d’Orléans a jugé à propos de changer de manière ; mais il est douteux que la seconde ait plus de succès que la première. Ce qui fait, en France surtout, la force d’un parti, c’est le plus souvent l’imprudence du parti contraire. Si la République commettait de grandes fautes, et si l’opinion publique, après s’être fortement attachée à elle, venait à s’en éloigner, les anciens partis retrouveraient peut-être quelque chose de la popularité qu’ils ont perdue. N’a-t-on pas vu cette opinion s’égarer naguère à la suite d’un aventurier de bas étage ? Jusque-là, il importe probablement assez peu que M. le duc d’Orléans suive les inspirations de tels ou tels de ses amis, et qu’il se mette à la tête des jeunes plutôt que des vieux. C’est ce qu’il ne croit pas. Il est las « de figurer la monarchie », il veut « la faire ». Il estime pour cela devoir se mettre en avant et attirer l’attention sur lui. Il proteste contre l’affectation d’une « dignité inerte et toujours expectante, immobilisée sur de lointains rivages par la grandeur de ses traditions, et se jugeant elle-même trop haute pour se mêler aux choses et aux hommes. » Il veut s’y mêler, et il annonce qu’il le fera avec « bonne humeur », en comptant sur le concours des « braves gens. » Sa lettre a quelque chose de vif, de cavalier, et en même temps de généreux, qui, en d’autres temps, aurait pu séduire les imaginations ; mais elle n’a pas été écrite à son heure. On l’a lue avec un étonnement tempéré par l’indifférence. Peut-être n’était-il pas bien nécessaire, pour produire un effet aussi peu profond, d’affliger de vieux conseillers, des amis fidèles, et de découvrir au public des dissentimens dont il aurait mieux valu garder le secret.

L’incident qui a donné naissance à la lettre de M. le duc d’Orléans est d’un ordre très secondaire. Un député royaliste, M. le comte de Maillé, est devenu sénateur. Son siège électoral étant libre, ses « jeunes