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LA MUSIQUE
AU POINT DE VUE SOCIOLOGIQUE

Sous ce titre : l’Art au point de vue sociologique, un penseur et un écrivain dont on ne saurait assez déplorer la perte, Guyau, laissa naguère un beau livre, mais un livre incomplet. Un grand sujet n’y est traité qu’en partie, et la littérature presque seule y est considérée au point de vue annoncé. Ainsi l’ouvrage trahit quelque peu son titre et l’attente du lecteur. Ce que fit Guyau pour l’art littéraire, la tentation nous est venue de l’essayer pour l’art proprement dit, ou plutôt pour un des arts, la musique, et de chercher ce qu’il y a de sociologique ou social dans sa nature, son histoire et ses effets. Si peu que soit notre étude, c’est au jeune maître disparu que nous en empruntons non seulement l’idée, mais les élémens. C’est sur son propre fonds, d’après lui et selon lui, que nous avons travaillé, sans rien souhaiter que de vérifier dans l’ordre particulier de la musique les principes généraux qu’il a posés.


I

« La conception de l’art, a écrit Guyau, la conception de l’art, comme toutes les autres, doit faire une part de plus en plus importante à la solidarité humaine, à la communication mutuelle des consciences, à la sympathie tout ensemble physique et mentale qui fait que la vie individuelle et la vie collective tendent à se fondre. Comme la morale, l’art a pour dernier résultat d’enlever l’individu à lui-même et de l’identifier avec tous. »

Voilà le point de départ et le thème à développer. Une chose est certaine : de même que la philosophie et la science créent la communauté des idées et la morale celle des volontés, l’art, comme la religion à laquelle il ressemble en ceci, l’art établit la