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aujourd’hui, compte 50 000 protestans, la seconde 34 000, la troisième 13 000. Inversement, Berlin, jadis exclusivement protestant, abritait, en 1846, 16 000 catholiques, 51 000 en 1871, 80 000 en 1880, et, s’il en faut croire l’Almanach de la Marche, près de 150 000 aujourd’hui. De 1880 à 1885, eu Prusse rhénane et en Westphalie, où le catholicisme est proéminent, la proportion des catholiques, par rapport à la population totale, s’est abaissée, et celle des protestans s’est élevée. On constate le phénomène contraire dans le reste de la Prusse, où le protestantisme prédomine. Représentez-vous une échelle, rime des confessions tout près du faîte, l’autre tout près du pied, et la première ayant commencé de descendre, la seconde ayant commencé de monter : voilà l’image des évolutions religieuses sur beaucoup de points de l’Allemagne.

C’est dans le royaume de Saxe qu’on peut saisir avec la plus frappante précision le jeu complexe, et relativement récent, de ces échanges confessionnels. On distingue en Saxe les États héréditaires (cercles de Dresde, Leipzig, Zwickau), où pendant longtemps il n’y eut presque point de catholiques, sauf à la cour, et l’Oberlausitz, où l’Eglise romaine eut toujours des fidèles. Dans les États héréditaires, on comptait, en 1835, 9 000 catholiques ; en 1871, près de 27 000 ; en 1875, près de 44 000 ; en 1887, 57 000 : C’est dans l’arrondissement de Dresde, surtout, et durant les années qui suivirent la guerre, lorsqu’on commençait à profiter de la loi sur la libre circulation dans l’empire (Freizügigkeit), que cette poussée fut la plus forte. Or en 1835 les 18 000 catholiques qui habitaient la région de l’Oberlausitz représentaient les deux tiers du catholicisme saxon ; elle en possède, aujourd’hui, 29 000, mais ils ne représentent plus qu’un tiers de la population catholique de Saxe. Ainsi le centre de gravité du catholicisme saxon s’est déplacé ; et dans l’ensemble du royaume on n’évalue guère à plus de 15 pour 100 le nombre des paroisses protestantes demeurées vierges de toute infiltration romaine.

Ces pénétrations ne dissolvent ni ne désagrègent les anciens groupemens religieux ; mais elles en tempèrent l’exclusivisme en constellant d’un certain nombre de taches des districts jusqu’ici homogènes ; sur la physionomie religieuse de chaque région, elles répandent quelque incertitude ; c’en est assez pour alarmer. Que dans une bourgade luthérienne des travailleurs catholiques s’installent ; aussitôt la Ligue évangélique en induit un plan de conquête occulte, lentement préparé par les Jésuites pour la ruine de la Réforme. Et comme le grand nombre des officiers et fonctionnaires protestans envoyés en Prusse rhénane est de nature à