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paroisses, et moins initiée à l’esprit de l’Evangile qu’à l’art d’exploiter ses journaliers et ses domaines. Avant de civiliser la plèbe des campagnes, il en faudrait humaniser le patriciat ; et par l’effet d’un manque de liberté dont nous aurons un jour à chercher les causes, l’Eglise évangélique, qui tâtonne dans la première tâche, n’a pas encore pu affronter la seconde.

Sur toute l’étendue de cette immense région protestante, dans les endroits où le catholicisme s’est installé, où même il se développe, il manque en général de vigueur. L’argent fait défaut, plus encore les hommes. Le Kulturkampf, un peu partout, décima les rangs du clergé ; de là une disette de prêtres dont il faudra quelques années encore pour réparer les inconvéniens. C’est à l’évêché de Breslau surtout, et à l’évêché d’Osnabrück, qu’on souffre de cette disette. Le premier de ces deux évêchés préside à la « Délégature apostolique », qui comprend Berlin, le Brandebourg et la Poméranie ; l’accroissement du nombre des prêtres, dans cette région, ne répond pas à l’accroissement du nombre des fidèles. Cinq églises nouvelles ont été créées à Berlin depuis 1860 ; on y a multiplié aussi les associations catholiques de travailleurs ; les Dominicains y desservent une paroisse, et d’autres ordres religieux y pourraient être appelés. Mais l’action du clergé séculier, vis-à-vis d’une masse de fidèles dispersés et souvent inconnus, en présence du champ qu’il aurait à soigner et qu’il est impuissant même à explorer tout entier, semble forcément condamnée à l’incertitude, à l’instabilité, à je ne sais quelle timidité haletante qui éloigne du succès.

Le vicariat des missions catholiques du Nord, confié depuis Grégoire XVI aux évêques d’Osnabrück, gouvernait en 1888, dans les villes hanséatiques, le Mecklenbourg et le Schleswig-Holstein, 43 702 âmes (au lieu de 11 870 en 1867). De ses trente-quatre stations de mission, quinze remontent au dernier quart de siècle, et sept seulement sont antérieures à 1800. Les rapports périodiques adressés d’Osnabrück à la congrégation de la Propagande sont d’une netteté parfaite et sans nul apprêt ; on y voit naître et vivoter les chrétientés de Diaspora, et la communication de ces documens occultes nous a grandement servi.

Des petites gens venant de tous les coins de l’Empire et même de l’Europe, Autrichiens, Bohémiens, Polonais, Italiens, Allemands surtout, « cherchant à gagner le plus possible, négligeant souvent la religion », voilà la clientèle de l’évêque-vicaire. Une partie de cette clientèle est perpétuellement en mue ; beaucoup d’ouvriers, appelés par des travaux périodiques, viennent et s’en vont avec les saisons ; il est aussi des besognes accidentelles qui provoquent subitement une grosse demande de forces humaines ;