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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/819

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des cinq mille ouvriers catholiques qui travaillaient au canal de Kiel, un certain nombre se sont déjà dispersés, portant ailleurs leurs bras et leur sueur. Comme le besoin crée l’organe, une agglomération catholique crée la station de mission ; sous ce nom : canal du Nord-Est, l’évêque vicaire en fit installer une, presque ambulante, pour le service spirituel des ouvriers et des petits manœuvres. Les travailleurs agricoles, plus dispersés, sont plus insaisissables : « On évalue, dit le rapport de 1888, que deux cents environ doivent être épars dans les biens nobles et les domaines du grand-duc de Mecklenbourg-Schwerin, autour de Ludwigslust ; » il faudrait dire plus de deux cent cinquante, d’après le rapport de 1895. Incessamment le missionnaire voyage, en quête de ces épaves qui sont des âmes ; telle station a cinquante kilomètres de rayon ; « si vaste est le district de Rostock que le prêtre n’y peut visiter tous les catholiques ni procurer à tous la possibilité d’assister à l’office divin » ; il est des communautés qui ont la messe une fois par mois, d’autres plus rarement, d’autres jamais. De ces bourgades délaissées se détachent chaque année quelques enfans de quatorze ans ; ils s’en vont à la grande ville, à la ville de résidence officielle du missionnaire, et là, quelques mois durant, dans une institution pour communions (Kommunikanden-Anstalt) ou dans des chambrettes du presbytère, ils s’initient à leur foi ; catéchisme appris et communion faite, ils s’en retournent. La pratique religieuse s’accommode mal de pareilles conditions ; elle y survit pourtant ; d’après le rapport épiscopal, la moitié des catholiques, à Brème, les deux tiers, à Lubeck, font leurs pâques ; ce sont villes où la proportion annuelle des communions protestantes au nombre des fidèles protestans est de 15,22 et 19,78 pour 100 ; la chrétienté exotique s’y montre donc plus pieuse que la chrétienté établie. Que les vocations religieuses soient rares dans la Diaspora, on le comprend sans peine ; en 1895, on comptait trois prêtres et trois étudians en théologie originaires de cette Diaspora. Elle est peuplée de pauvres gens timides et passifs, dont la vie religieuse, même correcte, est sans intensité.

Régulièrement, chaque station se devrait suffire à elle-même, mais les exceptions renversent la règle. Les fidèles de la Diaspora auraient plutôt besoin de recevoir des secours, et ils en reçoivent. En 1888, l’évêque entretenait à ses frais dix missions, et treize maîtres d’école ; dans trois stations, de riches particuliers couvraient les dépenses de la communauté, le pape subvenait à la construction d’une église à Hambourg, le grand-duc aidait le prêtre de Schwerin à vivre ; l’association allemande de Saint-Boniface, la Propagation de la Foi lyonnaise essayaient de faire le reste. Avec l’exiguïté des budgets, c’est une œuvre longue et