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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/857

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à un prix plus élevé, et que des demoiselles aux attitudes serpentines recommandent au public sur les affiches de certains fabricans, exigent des frais accessoires de ferblanterie et de réclame assez élevés. Ils ne représentent que le cinquième au plus de la vente des grandes maisons. Outre l’essence et l’huile, on retire aussi du pétrole brut 1 pour 100 de paraffine, propre à se transformer en bougie, et 2 pour 100 de coke. Le reste se perd en gaz, déchets ou évaporations quelconques.

Nous n’avons en France aucune usine comparable de bien loin aux sociétés pétrolières des Etats-Unis, à cette Standard oil Company, par exemple, au capital d’un milliard de francs bientôt, dont le directeur, M. Rockenfaller, a débuté dans la vie comme aide-charcutier, et qui raffine aujourd’hui les quatre cinquièmes du pétrole américain. Cette organisation colossale ne peut cependant dominer le marché de l’univers, parce que les huiles russes rivalisent avec elle et que, de l’autre côté de l’Atlantique, les fabricans libres, les outsiders comme on les appelle, lui échappent.

A l’intérieur de nos frontières les distillateurs de pétrole, loin d’être investis d’un monopole, sont seulement protégés par un écart de 3 francs par 100 kilos, entre le droit de douane des huiles brutes et celui des raffinées. Cette différence a été jugée suffisante pour leur permettre de travailler et de réaliser des bénéfices. S’ils prétendaient se coaliser pour hausser les prix de vente, les pétroles raffinés au dehors entreraient aussitôt sur notre sol et les ruineraient. Si l’un d’entre eux voulait au contraire abaisser son prix, pour s’emparer de la clientèle de ses confrères, la lutte ainsi organisée aboutirait à la faillite des moins riches et au triomphe de deux ou trois maisons exceptionnellement solides. Aussi les raffineurs français, au nombre d’une vingtaine, se sont-ils entendus pour régler leur production respective sur la demande indigène. Entente précaire à la vérité, souvent dérangée par les ambitions des nouveaux venus, et qui d’ailleurs ne peut majorer sensiblement les cours.

Le pétrole, coté à l’état brut 4 centimes le litre, au sortir des puits américains, se vend 0 fr. 15 sur le libre marché de la Belgique, où il n’existe aucune sorte d’impôts. L’augmentation représente les frais de transport, de raffinage et le gain des différens intermédiaires. Avec la taxe de 0 fr. 10, à l’entrée en France, et de 0 fr. 22 à l’octroi de Paris, il se trouve porté à 0 fr. 48. L’ouvrière parisienne, qui allume sa lampe cinq heures par jour, paie de ce chef 19 francs par an de contribution, les deux tiers du prix de son éclairage total.