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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/856

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douzaine de milliards de kilos de pétrole, dont notre petite consommation indigène absorbe seulement le cinquantième.

Cette huile était jadis, au sortir des puits, enfermée dans des barils de chêne qui devaient la conduire à destination. Aux barils on substitua des citernes en bois, de 10 000 à 15 000 litres de contenance, que l’on fixait sur la plate-forme des wagons de chemin de fer. Celles-ci furent à leur tour remplacées par des cylindres en tôle ; et comme ces procédés primitifs ne répondaient plus aux développemens de l’industrie, on construisit peu à peu le réseau de pipes-lines. Les tuyaux partent des réservoirs, placés auprès de chaque puits, et vont se réunir à une première station. Le pétrole s’écoule tout seul, lorsque la pente du terrain le permet ; sinon des pompes se chargent de le faire marcher. A la station, le diamètre des tuyaux augmente et le liquide continue sa route, tantôt refoulé mécaniquement, plus rarement livré à lui-même. Les deux compagnies qui opèrent ce transport possèdent ensemble 12 000 kilomètres de canalisations, qui traversent les champs, suivent les rues des villes, passent au-dessus ou au-dessous des routes.

Et comme certaines lignes ont 170 kilomètres de longueur, on les divise en 3 ou 4 sections, munies chacune d’un réservoir où le liquide arrive poussé par la pompe de la station précédente, et d’où il est puisé, par une pompe nouvelle, qui l’expédie à 45 kilomètres plus loin. Aux ports d’embarquement les tuyaux se vident dans des navires-citernes, divisés en compartimens étanches, où se logent 350 000 litres d’huile. A leur arrivée à Rouen, centre principal de la raffinerie française, d’autres pompes reprennent ces pétroles et les véhiculent jusqu’aux usines.

Ces matières encore brutes vont, par une série de distillations et d’épurations dans des chaudières en fonte, se décomposer en produits variés, propres à divers usages commerciaux. On en retire, sous l’action de la chaleur, d’abord 2 pour 100 d’éther et de gazoline, 9 pour 100 d’essence minérale, à l’usage de ces petites lampes à éponge, dont il s’est vendu 500 000 par an pendant quelque temps et dont l’économie compense mal les dangers ; puis 7 pour 100 de benzine, ou essence plus lourde que la précédente, propre au dégraissage et à la dissolution du caoutchouc. Vient alors le pétrole- d’éclairage, dans la proportion de 70 pour 100. Cette huile lampante est celle de la consommation ordinaire ; certains industriels la raffinent à nouveau et tirent de son « cœur » des produits vendus en bidons spéciaux, sous des noms qui constituent pour eux une marque de fabrique — luciline, oriflamme, saxoléine. — Ces pétroles de luxe, cotés