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Automne, Hymne à Cérès de M. Albert Laurens. Les rêveries archaïques gagnent parfois à être traitées en esquisses, surtout quand la rêverie reste un peu vaporeuse. On en trouve de jolis exemples au Champ-de-Mars dans l’Homère, assis et chantant, vers lequel accourent les pâtres, et dans les Baigneuses de M. René Ménard, deux effets de crépuscule, où le charme mystérieux du paysage qui s’endort s’associe agréablement au charme des nudités chastes et expressives. M. Paul Chabas, dans le Dernier Rayon, M. Maurice Chabas, dans Idéal Pays, et quelques autres encore font des recherches heureuses dans le même ordre d’idées

Sont-ce les décorateurs qui nous donneront des impressions de joie, d’harmonie, de beauté ? C’est leur strict, devoir, quelques-uns en ont conscience. M. Henri-Martin, dans sa seconde frise pour l’Hôtel de Ville de Paris, la Musique, la Sculpture, l’Architecture, nous donne au moins celle de l’harmonie. Même disposition que l’an dernier. Entre les retombées des arcs, des figures contemporaines, un sculpteur et un musicien, assis et rêvant. Autour et au-dessus d’eux, dans les tympans, des apparitions de femmes, portant des fleurs ou des symboles, silhouettes tristes et maladives, mais sympathiques et délicates. Le procédé est toujours le même, pointillé et chétif de près, mais prenant corps et assez vibrant à distance. L’harmonie est originale, tendre et fine. M. Albert Maignan, dans son Plafond pour la Chambre de commerce de la ville de Saint-Etienne, a très prestement et très agréablement marié les forgerons encharbonnés et les ouvrières enrubannées qui représentent les deux activités du pays, la noire industrie du fer, la riante industrie de la soie. Assises ou volantes, réelles ou idéalisées, les figures se meuvent avec aisance dans la fumée ou la clarté d’un ciel bien ouvert. C’est l’œuvre d’un artiste ingénieux et savant, qui est en bons termes avec Tiepolo et dont la main s’est assouplie et affermie à la fois après une utile conversation avec cet aimable maître. C’est aussi dans un Plafond où diverses allégories féminines des Lettres et des Arts déploient galamment, en des poses diverses, leurs nudités conquérantes que M. Gervais, dont nous avons souvent loué le talent sans toujours approuver l’usage qu’il en faisait, nous offre une preuve nouvelle de sa virtuosité. A notre avis, c’est la bonne. On n’a qu’à regarder les portraits superficiels qui avoisinent son plafond pour voir où le porte sa vocation. Son affection pour les colorations exaspérées ou subtiles, son habileté à manier les éclairages artificiels, son sentiment des élégances sensuelles de la beauté féminine, ses indulgences pour ce que la coquetterie et la toilette peuvent ajouter de factice et de provocant à cette beauté, tout cela trouve son emploi