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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/920

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allemands s’obstinent à le voiler, M. Buffet dont les premières peintures portaient cette triste marque de langueur hésitante est de force, aujourd’hui, à regarder en face l’astre des peintres. Parmi les nombreuses figures qu’il groupé ou qu’il assied à l’entour du cortège sacré, quelques-unes sont vraies et charmantes, d’une vérité un peu commune pourtant et qui gagnerait à être serrée de plus près et d’un charme un peu banal encore, auquel une étude plus attentive des vases, terres cuites, et bas-reliefs eût donné plus de distinction, de souplesse, d’élégance. On souhaiterait en un mot, en cette fête attique, plus d’atticisme. La Fête antique a obtenu, auprès des amateurs délicats, un succès légitime ; toutefois dans l’ascension régulière vers les cimes élevées de l’art que semble vouloir poursuivre M. Buffet, cet ouvrage, si intéressant mais si incomplet, ne doit être qu’une étape au-delà de laquelle son talent, plus assuré et plus mûr, trouvera promptement les occasions de se signaler mieux encore.

Les aspirations vagues, dans ce genre d’évocations, et les à peu près ne suffisent pas. M. Foreau, qui possède un juste sentiment du paysage expressif, nous en fournit la preuve dans son Cortège de Bacchus. Passe pour le paysage de fantaisie, décoratif et conventionnel. La mythologie grecque est si poétique, la légende chrétienne est si humaine, qu’un artiste peut toujours les transplanter dans un autre milieu que leur milieu original. Les déesses de Botticelli, de Poussin, de Rubens, de Boucher sont toujours des déesses, parce qu’elles gardent encore, dans leur beauté florentine ou romaine, flamande ou française, l’âme sereine ou voluptueuse que leur a donnée l’imagination antique. Les prophètes et les apôtres de Michel-Ange et de Rembrandt, dans leur nudité colossales ou leurs guenilles hollandaises, sont encore de saints personnages parce qu’ils respirent la fierté ou la familiarité de la Bible et de l’Evangile. Mais les bacchans et bacchantes, mai griots et chiffonnés, qui cheminent sous la futaie de M. Foreau, en quoi nous parlent-ils de gaîté, d’enthousiasme, de beauté ? Les jeunes femmes bien plus modernes, un peu effacées, trop peu transfigurées et exaltées, de M. Boyé, dans sa Nausicaa, et de M. Albert-Valentin Thomas, dans son Hymne à Sélène, sont moins éloignées du sentiment antique, tout simplement parce qu’elles sont plus naturelles et plus expressives. La Nausicaa de M. Boyé notamment est traitée avec un sens délicat et poétique des jeunes élégances de la forme et des dégradations nuancées de la lumière. Sa toile est un peu grande pour l’importance et la solidité de ses figures. On peut faire la même observation pour les Nymphes et Persée de M. Lauth, et même pour le gracieux