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Réalier-Dumas applique à des ruines françaises sa juste et forte vision, il y trouvera des spectacles suffisamment merveilleux pour n’avoir pas besoin de recourir aux apparitions surnaturelles. L’auréole dont il illumine un fragment de statue dans Pompéi, est une superfétation bien inutile ; la réalité, justement admirée et chaudement interprétée, en pareil cas, suffit. On ne sent pas assez peut-être de cette chaleur d’âme devant les monumens, ces témoins pensifs et souvent accusateurs de l’activité et de l’instabilité humaines, dans les Ruines du château d’Angles, par M. Pierre Ballue, dans Villeneuve-lès-Avignon, par M. Camille Dufour, dans les Brouillards du matin au Petit-Andely, par M. Simonnet, dans le Mont-Saint-Michel, par M. Noirot ; néanmoins, ce sont toutes là des études sérieuses et intéressantes, dont le nombre s’accroît heureusement chaque année. Aucun effort individuel n’est perdu pour la vie universelle. Ce seront peut-être les pochades des paysagistes et les instantanés des cyclistes qui, en répandant la connaissance de notre admirable passé, contribueront plus efficacement que les études des archéologues et les protestations des lettrés à protéger, contre l’indifférence ou la sottise, et à sauver ce qui nous reste encore de notre patrimoine national et de nos grandeurs historiques. Faut-il ajouter que le passé familier et populaire, tout ce qui exprime l’individualité d’une race ou d’une génération, nous paraît aussi vénérable que le passé monumental ? Faut-il dire que tous les paysagistes faisant halte dans les ruelles ou sous les remparts des vieilles villes, sous l’éternel rajeunissement des aurores joyeuses et des crépuscules mélancoliques, nous semblent aussi accomplir une œuvre pie, et, quand ils sont en France, une œuvre nationale ? Les études de MM. Petit-Jean, Gagliardini, Allègre pour la France, de MM. Rigollot pour l’Algérie, de MM. Bompard, Saint-Germier pour l’Italie, et bien d’autres que nous ne saurions énumérer, rentrent dans cette intéressante catégorie. Au Champ-de-Mars, MM. Cazin, Raffaelli, Billotte, Thaulow, pour la France, Willaerts et Baertsoen pour la Belgique, etc., nous offrent, dans ce genre, des séries particulièrement remarquables.

Quant aux paysagistes simples, à ceux qui veulent seulement nous dire ce qu’ils ont éprouvé de gaîté ou de tristesse, de surprise ou d’étonnement, de charme passager ou de profond ravissement devant un coin du vaste monde, la foule en est grande et leurs façons de sentir et leurs manières de rendre sont si variées qu’il faudrait des pages nombreuses pour les analyser. Beaucoup de ces notations vives et rapides sont bien près d’être des chefs-d’œuvre. La plupart sans doute resteront à l’état d’indication et