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chirurgicaux, soit en lui posant un crâne dans la main, suivant sa spécialité. Nous devons croire que le docteur Gérard, dont la statue a été érigée à Beauvais, était suffisamment connu de ses compatriotes pour que le statuaire, M. Greber, n’ait pas eu à rappeler sa profession par un accessoire quelconque. Pour les ignorans, un homme encore jeune, en redingote, la tête nue, tenant d’une main son chapeau en même temps que son parapluie sur lequel il s’appuie en se dandinant, et agitant l’autre dans sa poche, ne représente qu’un promeneur arrêté, qui interroge ou qui répond, dialoguant sans façon avec des gens qui passent. L’expression est intelligente et sympathique, l’allure toute familière, on se sent en présence d’un aimable homme, probablement charitable et très populaire ; c’est cet homme-là sans doute que les Beauvaisins ont regretté en lui, autant que le professionnel. M. Greber, élève de l’Ecole des Arts Décoratifs, a traité cette figure démocratique avec une franchise et une aisance remarquables. M. Greber est d’ailleurs un artiste prêt à de plus hautes besognes, si l’on en juge par sa statue en marbre gris d’un mineur effaré par un Coup de grisou : l’effroi, dans le mouvement, est marqué sans visée mélodramatique, et les parties nues, les bras, le torse, le pied sont traités avec une ampleur et une force qui n’oublient point la précision.

Le sentimentalisme et l’affectation théâtrale ne sont pas d’ailleurs les dangers auxquels s’exposent volontiers nos sculpteurs, même les plus ambitieux, depuis qu’ils ont été édifiés par les excès de la pratique italienne, sur les pauvres résultats qu’on en tire. Dans les groupes ou stèles funéraires, par exemple qui se prêtent si bien aux conceptions élégiaques et tragiques, s’il y avait à blâmer, ce serait plutôt la pauvreté que l’emportement d’imagination. Là, comme ailleurs, on n’est que trop disposé à s’en tenir à une formule courante et à se dispenser de tout effort et de toute aventure. Sauf un groupe, de style volontairement simple et très familier, représentant une jeune femme assise, un livre à la main, avec un petit garçon auprès d’elle, par M. Barrias, presque tous les morceaux de sculpture, destinés à des tombeaux, sont exactement conçus dans la même donnée. C’est toujours une figure de femme, parfois réelle, le plus souvent allégorique, Douleur ou Muse, suivant le cas, qui s’assied, s’appuie, s’agenouille ou se prosterne devant la stèle. La stèle est parfois nue ; le plus souvent, elle porte un buste ; d’autres fois, lorsque le sculpteur a des goûts pittoresques, on y voit apparaître une tête ou une ombre. Notre tendre et regretté Chapu, qui, sur l’art de la sculpture funéraire, comme sur l’art du médaillon et de la médaille, exerça modestement une action féconde, a fourni, dans