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peut-être même les plus vexatoires pour satisfaire ses amis. Sous un cabinet Méline, le danger paraît moins grand, parce qu’on espère bien que le gouvernement ne poussera pas les choses à l’extrême ; soit ! mais on l’affaiblit imprudemment en donnant contre lui des armes à ses pires adversaires. On trouble, on alarme l’opinion. Peut-être M. Bourgeois, à la place de M. Méline, n’aurait-il pas eu besoin de faire autant que lui pour avoir l’approbation des radicaux ; M. Méline, si ce mouvement se poursuit, sera obligé de prendre des mesures de plus en plus rigoureuses jusqu’au moment où une coalition parlementaire se dressera pour le renverser, soit qu’il ait fait trop, soit qu’il n’ait pas fait assez. Est-ce là ce que veulent les auteurs des manifestations ? Qu’ils le sachent ou non, c’est à ce résultat qu’ils tendent : s’ils l’atteignent, qu’y gagneront-ils ? Certes, en agissant comme ils le font, ils tiennent peu de compte des instructions du Saint-Père. Léon XIII, à la vérité, tout en leur demandant d’accepter les institutions constitutionnelles du pays, leur a conseillé de travailler à l’amélioration des lois. Il est peu probable qu’il ait particulièrement songé aux lois qui interdisent les manifestations dans les rues : ce ne sont pas celles qui pèsent le plus lourdement sur l’Église. Mais en admettant qu’il y ait lieu de les modifier, ce n’est pas par la révolte qu’on y réussira. Il faut espérer que cette effervescence passagère, condamnée par les hommes sérieux de tous les partis, ne survivra pas à la circonstance qui l’a fait naître : c’est déjà trop qu’elle ait pu se produire, et nous voudrions que tous les catholiques sensés s’entendissent pour y mettre un terme, et surtout pour l’empêcher de renaître.


FRANCIS CHARMES.