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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/244

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ESSAIS ET NOTICES

Un prédicateur populaire dans l’Italie de la Renaissance, saint Bernardin de Sienne, par M. Thureau-Dangin. — 1 vol. in 18, Plon.

Nous ne connaissons, en général, qu’un seul aspect de la Renaissance, et non seulement nous ne voyons guère en elle qu’une « déchristianisation » du monde, mais de plus, et aussi d’une manière générale, la Renaissance chrétienne, pour nous, c’est la Réforme. « Si l’Italie de la Renaissance prend au XVIe siècle la direction des esprits, lisais-je encore tout récemment, l’Allemagne de la Réforme revendique la conduite des âmes ; » et, en effet, c’est ce que l’on enseigne communément en Allemagne… et en Italie. Passe encore pour les Allemands ! Ils ont certes leurs raisons d’admirer Luther et Mélanchthon, auxquelles d’ailleurs nous n’en avons pas, nous — pour aujourd’hui, — de ne point souscrire. Mais les Italiens sont des ingrats ! qui se font tort à eux-mêmes d’une moitié de leur âme ou du génie de leur race quand ils oublient ce « renouveau d’ascétisme et de sainteté » qui fut chez eux contemporain du grand mouvement de la Renaissance. Les noms de saint François d’Assise ou de sainte Catherine de Sienne sont-ils moins considérables dans l’histoire de l’humanité que les noms de Michel-Ange ou de Léonard de Vinci ? C’est une question que l’on peut se poser ; et la réponse dépend de l’idée que l’on se forme de l’objet de la vie ! Mais, en tout cas, ni sainte Catherine, ni saint François, ni tant d’autres saints ou de « bienheureux » qui les ont suivis n’ont attendu pour « revendiquer la conduite des âmes » que, du fond de l’Allemagne on leur en eût donné le signal. Tant de prédicateurs qui, depuis saint François jusqu’à Savonarole, ont rempli l’Italie du bruit de leur éloquence ou des miracles de leur apostolat, appartiennent bien à l’histoire de la Renaissance. Et parce qu’ils lui appartiennent, parce qu’on ne saurait les oublier ou les omettre sans altérer gravement la vérité, parce qu’on les oublie cependant trop souvent, c’est ce qui fait l’intérêt du livre que M. P. Thureau-Dangin vient de consacrer à la mémoire de l’un des plus purs et des plus grands d’entre eux : Saint Bernardin de Sienne.

« Je n’ai pas eu la prétention, — nous dit M. Thureau-Dangin, — d’apporter sur saint Bernardin tout ce qu’un érudit et un théologien auraient pu trouvera en dire » ; et puisqu’il nous le dit lui-même, assurément nous l’en croirons. Mais ce qu’aucun érudit, ni peut-être même aucun