toute fausse déclaration relative à la direction du journal, et soumis de ce chef à la surveillance la plus étroite. C’est sur ces points qu’il nous faut maintenant insister.
Il y a un capital engagé dans toute entreprise de publication. Aujourd’hui tout semble disposé en vue de sauver en cas de condamnation ce capital, cette mise du propriétaire. Nous partons d’un principe opposé qui se formule ainsi : les condamnations que le journal peut encourir constituent un élément des risques courus par le capital engagé dans l’opération. Il faut que ce capital, connu et révélé dès la formation de l’entreprise, réponde intégralement des conséquences pécuniaires des infractions.
Comment atteindre ce but ?
Il y aurait d’abord un moyen préventif auquel reviennent invinciblement beaucoup d’esprits : c’est le cautionnement. Le cautionnement est, dit-on, une invention de Chateaubriand. Les Anglais l’ont emprunté à la France ; il existe encore dans ce pays de liberté[1] ; et chez nous, depuis 1819, il n’a guère cessé de figurer dans les lois. On a vu le cautionnement disparaître pendant quelques semaines en 1848 et en 1870, puis, remis en vigueur par la loi du 6 juillet 1871, il a fonctionné jusqu’à notre loi de 1881[2].
Faut-il y revenir ? Nous ne le pensons pas. Il suffit de songer aux argumens qui ont servi jadis à justifier le cautionnement pour reconnaître que cette mesure est réellement incompatible avec un régime de suffrage universel. « Tout journal, disait Royer-Collard, est une influence et appelle une garantie ; or la garantie politique ne se rencontre, d’après la Charte, que dans une certaine situation sociale ; cette situation est déterminée par la propriété et ses équivalens, voilà le principe du cautionnement. » Le principe du cautionnement est en effet censitaire ; et lorsque Chateaubriand, Lainé, Guizot et tant d’autres défendaient cette institution contre Benjamin Constant, il y avait en France un cens électoral et un cens d’éligibilité. Avec quel succès rééditerait-on contre le cautionnement le fameux « silence aux pauvres ! » en notre temps où la fortune a cessé d’être considérée comme la garantie politique !