suivies avec de nombreux Français jusqu’au moment de sa mort ; et l’on n’ignore pas enfin que l’opéra français exerça, dans sa jeunesse, une influence notable sur le style de sa musique. Chez aucun autre Allemand de génie, on ne trouve des liens aussi nombreux, aussi intimes, avec la France. Ni Gœthe, ni Schiller, ni Bach, ni Beethoven ne l’ont visitée. Quant à Gluck, il avait près de soixante ans lorsqu’il vint à Paris, et il y trouva en vérité le milieu qu’il lui fallait, mais ce n’est pas à soixante ans qu’il eût pu subir, de ce fait, une influence un peu profonde. Mozart passa une année à Paris ; mais il n’y fréquenta guère que des Allemands, et en revint le cœur plein de fiel à l’égard des Français. Il ne possédait point, au surplus, l’éducation nécessaire pour apprécier leur génie. Wagner, au contraire, habita Paris près de six ans, — de 1839 en 1842 et de 1859 en 1862, — et y fit en outre de nombreux séjours. Lorsqu’il y vint pour la première fois, en 1839, il n’avait que vingt-six ans, et se trouvait dans la période critique de son développement artistique : il cherchait encore sa voie. Il avait essayé tout d’abord d’un opéra romantique, ensuite d’un opéra-comique : les directeurs n’avaient pas voulu du premier (les Fées) ; et le second (la Défense d’aimer) n’avait eu aucun succès. C’est alors qu’il avait songé à Paris ; et il y arrivait avec un grand opéra historique à moitié terminé : Rienzi, qu’il rêvait de faire représenter sur la scène de l’Opéra. C’est de Paris qu’il voulait prendre son essor pour arriver à se faire entendre en Allemagne. Il en advint autrement : mais Paris n’en eut pas moins sur lui une grande et décisive influence.
C’est de ces divers rapports entre Wagner et la France que je me propose de parler ici. Après avoir dit quelques mots des relations personnelles du maître avec certains Français, je m’efforcerai de rechercher quelle fut sur son évolution intellectuelle l’influence de son séjour à Paris, le profit qu’il en tira, directement ou indirectement ; enfin, — et bien qu’il y ait peut-être quelque audace à le tenter dans une si brève étude, — j’aborderai l’examen des rapports généraux entre le génie français et le génie allemand, tels que nous les révèlent les œuvres de l’auteur dramatique le plus puissant qu’ait jamais produit l’Allemagne. Ces considérations m’amèneront tout naturellement à présenter quelques réflexions sur l’influence que pourra prendre un jour l’œuvre du maître sur l’art français et sur la pensée française.
La plupart des relations personnelles que Wagner entretint avec des Français datent de son second séjour à Paris, de 1859 à