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et à M. Barthou. Quand on se rappelle les origines de cette assemblée et les noms de ceux qui y ont présidé, il semble que ce passé d’hier s’éloigne dans le recul le plus lointain. Nous sommes, en effet, fort loin de ces débuts. Des transformations profondes se sont faites depuis lors ; beaucoup d’hommes ont été usés, beaucoup d’idées et de systèmes aussi ; mais où en sommes-nous aujourd’hui, et où trouverons-nous un point d’arrêt provisoire qui nous permette de reconnaître la situation et de respirer un moment ? Nous nous rassurerions si cette mobilité excessive pouvait être confondue avec la marche du progrès ; mais comment se faire à cet égard la moindre illusion puisque rien ne réussit, puisque tout avorte, et que la seule différence entre le lendemain et la veille est un peu plus de fatigue et d’usure ? Il était temps que les vacances arrivassent. Nous avons parlé d’un discours que M. Waldeck-Rousseau a prononcé, il y a quelques jours, à Saint-Mandé, au banquet de l’Industrie et du Commerce parisiens. M. Waldeck-Rousseau n’a indiqué qu’un remède à la maladie dont nous souffrons et dont il a fort bien décrit les caractères, c’est la dissolution. Mais est-ce bien un remède ? Il faudrait, pour le croire, être sûr que le mal n’est que dans la composition actuelle des Chambres, et que la pleine santé est dans le pays : nous ne le sommes pas.


Depuis plusieurs semaines, la situation de l’Orient est troublée par l’insurrection crétoise. La cause en est assez obscure. Le principal grief des insurgés qui ait été porté par les journaux à la connaissance de l’Europe, est la non-observation de la convention d’Halepa. Cette convention, qui a été le-développement et la confirmation du pacte fondamental de 1868, a été faite dix ans plus tard ; c’est dire qu’elle ne correspond peut-être plus exactement aux nécessités actuelles, puisqu’elle date déjà de dix-huit ans ; mais, telle qu’elle est, elle aurait dû être strictement observée par la Porte, et il semble bien qu’elle ne l’ait pas été. Peut-être la responsabilité n’en revient-elle pas à la Porte seule. La convention d’Halepa porte la création d’une assemblée nationale crétoise, qui, si elle s’était réunie et avait fonctionné d’une manière normale, aurait sans doute pourvu à tous les besoins de la situation, au fur et à mesure que celle-ci se serait développée. Mais si la Porte n’a mis aucun empressement à réunir l’assemblée, les Crétois n’en ont pas toujours mis davantage à choisir les députés qui devaient les y représenter ; on cite un certain nombre de districts qui n’ont jamais voulu élire les leurs ; de sorte que, par la négligence des uns ou par l’abstention des autres, l’assemblée est en quelque sorte tombée en désuétude. Les vœux du pays n’ayant pas trouvé à s’exprimer légalement, le malaise est devenu de plus en plus grand et l’insurrection a éclaté. On s’est plaint de ce que le gouverneur de l’île n’était pas un chrétien, En fait, il a été tantôt chrétien et tantôt musulman, et la Porte n’a