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Ces réserves constituent une menace permanente pour les villes dont elles assurent l’alimentation. Quelque soin qu’on apporte dans la construction des digues, elles finissent quelquefois par céder sous la pression des eaux, en entraînant tout ce qui se rencontre sur leur passage. On se souvient encore en Espagne de la rupture du barrage de Fuentès, qui détruisit 89 maisons et noya 608 personnes ; l’Angleterre n’a pas oublié l’effondrement de la digue de Sheffield qui fit 238 victimes ; et la France a été profondément émue, l’année dernière, par la catastrophe de Bouzey à la suite de laquelle la vallée de l’Avière a été inondée sur une longueur de vingt kilomètres. Le réservoir destiné à alimenter le canal de l’Est était formé par un barrage en maçonnerie de 500 mètres de longueur, haut de 22 mètres et large de 20. Il renfermait 7 millions de mètres cubes d’eau, lorsque la digue se rompit tout à coup sûr une longueur de 200 mètres. Cette énorme masse de liquide se précipita dans le petit vallon où coule la rivière, renversant les maisons, déracinant les arbres, emportant les habitans et les bestiaux. Ces désastres ne sont rien à côté de celui qui est arrivé en Amérique en 1889, lorsque l’importante ville de Jackson fut détruite en quelques instans, avec sa population tout entière, par la rupture de la digue qui retenait ses réserves d’eau.

Quand, au lieu de ruisseaux et de petites rivières, il s’agit d’un fleuve, qu’on ne peut songer à barrer et auquel on se borne à faire un emprunt, on dispose, sur un point de son cours, un ouvrage partiteur de manière à diviser le courant et à en détourner la partie qu’on veut utiliser. Dans tous les cas où on recueille des eaux courantes, il faut, autant que faire se peut, établir la prise au-dessus des principaux foyers de contamination. Quand il s’agit d’une rivière qui a déjà reçu des impuretés de toute sorte, on place à l’ouverture des conduites des grilles fixes ou mobiles, pour arrêter les corps étrangers.

L’eau des lacs est fréquemment utilisée dans l’Amérique du Nord, en Suisse et en Angleterre. Chicago boit l’eau du Michigan ; Boston celle du Cochituate ; Zurich celle du lac qui porte son nom, et Glascow celle du lac Katrin. On a parlé à diverses reprises de faire venir à Paris celle des lacs de Neuchâtel, du Bourget ou de Genève. Ce dernier a même été l’objet, en 1890, d’un projet très étudié de la part de M. Duvillard, ingénieur du Creusot. Il consistait à prendre dans le Léman, en amont du village d’Hermance, à 400 mètres de la rive et par un fond de 35 mètres, un volume d’eau de 24 mètres cubes par seconde, soit 2 073 600 mètres par jour. L’eau serait amenée à Paris par une conduite maîtresse contournant la frontière de Suisse et