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corps qu’elle tient en suspension. Ils forment, au bout de quelques jours, une trame mince, glutineuse, semblable à une toile à mailles très fines par laquelle les microbes sont arrêtés ; mais, au bout d’un mois ou cinq semaines, cette trame est devenue tellement épaisse, les couches superficielles du sable sont tellement chargées d’impuretés, que l’eau n’y passe plus qu’avec une extrême difficulté. Si, pour accroître la pression, on augmente l’épaisseur de la couche d’eau, elle triomphe de la résistance, mais en creusant dans le sable des tissures appelées renards, par lesquelles l’eau s’écoule sans se filtrer. Il faut alors enlever le sable et le remplacer, ce qui nécessite des bassins de rechange. On peut aussi faire traverser le filtre par un courant en sens inverse qui opère une chasse dans les interstices obstrués par les dépôts. Le premier moyen est le plus usité : c’est celui dont on se sert à Londres. Le second est appliqué à Dunkerque et à Zurich. On est parvenu, en Allemagne, à diminuer ces inconvéniens, en se servant de bassins voûtés d’une grande surface et d’une faible profondeur, dans lesquels l’écoulement est réglé de façon à ce que chaque mètre carré de surface fournisse de 1 à 3 mètres cubes d’eau par jour ; mais quoi qu’on fasse, il est impossible de remédier au vice radical de ce moyen d’épuration : l’inégalité de l’écoulement et l’incertitude de la filtration au commencement et à la fin.

Nous allons retrouver les mêmes défauts dans les galeries filtrantes. Elles ont été imaginées, en 1817, par M. d’Aubuisson des Voisins, ingénieur en chef des mines, pour alimenter la ville de Toulouse ; , à l’aide d’eau prise dans la Garonne, près du faubourg de Saint-Cyprien. Lyon et Nancy ont depuis adopté ce système qui consiste à creuser, le long du fleuve auquel on veut faire un emprunt, une galerie parallèle à son cours, inférieure à son lit, et à petite distance de ce dernier. L’eau filtre, par son propre poids, à travers la tranche de terrain intermédiaire, lorsqu’il est perméable, et s’y débarrasse de ses impuretés. A Lyon, l’eau est prise dans le Rhône. La galerie, de 5 mètres de largeur, est située en amont du fleuve ; pour y arriver, l’eau traverse une épaisseur de 15 mètres de sable et de galets. Mais les galeries filtrantes constituent un mode d’opération plus défectueux encore que les bassins parce qu’on ne peut pas les nettoyer. La couche de sable et de galets est bientôt minée par les eaux ; il s’y creuse des fissures par lesquelles tout passe, ainsi que cela est arrivé à Lyon. L’eau du Rhône, en sortant des galeries, laisse déposer sur les filtres Chamberland un limon glaireux dans lequel MM. Lortet et Despeignes ont trouvé de nombreux microbes. Le dépôt a fait périr les cobayes auxquels on l’a injecté. Dans