micro-organismes. Aussi, la dépêche ministérielle du 24 mars 1892 qui en a prescrit l’emploi à titre d’essai, enjoint-elle de stériliser les filtres tous les six mois, en faisant bouillir pendant un quart d’heure l’eau qu’ils contiennent à l’aide d’un réchaud placé au-dessous. Au dire de M. Lacour-Eymard, pharmacien militaire, cette opération, pour donner des garanties suffisantes, devrait être renouvelée tous les dix jours.
Le troisième moyen d’épurer les eaux suspectes consiste, avons-nous dit, à les traiter par des agens chimiques. L’un des plus utiles est l’alun auquel les Chinois ont recours depuis un temps immémorial. Lorsque l’alumine et le carbonate de chaux dominent dans les dépôts, ainsi que cela se voit dans l’eau de Seine, à l’époque des crues, l’addition d’une petite quantité d’alun opère rapidement la clarification du liquide. Il suffit d’un décigramme d’alun par litre pour précipiter les sels en excès, et on ne trouve plus de trace du réactif dans l’eau clarifiée. Toutes les matières en suspension, telles que le sable fin et la glaise, sont précipitées en même temps que les sels insolubles formés par l’addition de l’alun. L’alun clarifie l’eau, mais il ne la stérilise pas complètement. On peut en dire autant du carbonate de soude, de la lessive de cendres, du lait de chaux dont on se sert également pour épurer les eaux trop séléniteuses.
Le permanganate de potasse qu’on a préconisé plus récemment paraît au contraire avoir une action stérilisante réelle. D’après des expériences communiquées l’an dernier à la Société de physique et d’histoire naturelle de Genève, il suffit d’un ou deux centigrammes de ce sel par litre pour tuer tous les microorganismes d’une eau de fleuve aussi souillée que celle de la Seine. En quelques minutes, le permanganate est décomposé ; l’oxygène brûle la matière organique et il se forme un dépôt brun de bioxyde de manganèse, avec un peu de potasse et de soude qui se combinent à l’acide carbonique de l’eau, Je ne sais quel est l’avenir réservé à ce nouveau réactif, mais les agens chimiques ne seront jamais que des expédiens qu’on peut être heureux d’avoir à sa disposition, dans des campagnes de guerre, et surtout dans les expéditions coloniales, où les hommes ne peuvent pas toujours emporter avec eux le pesant bagage des filtres ; mais, dans les conditions ordinaires de la vie, il faut s’en tenir à ces derniers et, lorsqu’on ne peut pas se les procurer, se résoudre à faire bouillir l’eau avant de la boire.
JULES ROCHARD.